Héritiers du makoa loa

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Wa'ai
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Wa'ai


Localisation : Tarides
Rôle : Grande prêtresse du makoa loa

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MessageSujet: Retour à Zul'gurub   Retour à Zul'gurub Icon_minitimeJeu 16 Juil 2020 - 8:37

Les autres sont partis en Norfendre depuis plus d’une semaine maintenant. Sala’jin a tout juste reçu hier une lettre de Ta’ka pour signifier que la traversée s’est déroulée sans encombre, qu’ils sont bien arrivés dans les terres gelées et qu’ils se dirigent vers le nord, vers Zul’drak.

Mon cœur se serre. Il y a un mojo sombre et lourd qui me broie la poitrine. Qui m’écrase. Qui m’étouffe. Pourtant je ne tiens pas en place. Mes doigts s’agitent tous seuls même quand je suis allongée à ne rien faire. La hutte est vide. Il est parti sans moi. J’ai envie de hurler.

Les loas se rient de moi je crois. Le navire sur lequel ils devaient embarquer a eu une avarie, le départ a été reporté de quatre jours, juste ce qu’il fallait pour les voir prendre le large précisément le jour de mon anniversaire. Enfin je dis « les voir », mais je n’y étais pas, c’est Sala et Celle-qui-voit qui leur ont dit au revoir. Moi c’était au-dessus de mes forces. Je n’aurais pas pu rester calme. Faire semblant que tout va bien ? Non. Et je n’avais pas envie qu’on se quitte fâchés.

Sala a proposé que Vanhem et moi l'accompagnons en Strangleronce. Il fait un pèlerinage régulier dans sa ville natale – deux fois par an ? - mais d’habitude il s’y rend en catimini, tout seul. J’étais à ses côtés la première fois qu’il a foulé à nouveau les pavés de Zul’gurub il y a cinq ans, mais je n’y suis jamais retournée depuis. Malgré la majesté des lieux, ce n’est pas un endroit dans lequel j’ai envie de m’attarder. Lui et moi savons pourquoi.

Mais ce pèlerinage revêt un aspect spirituel, solennel et quelque part intime du Gurubashi qu’il est. Qu’il nous invite à le suivre est une marque de confiance. Pour Vanhem, l’Oublieux égaré devenu ami et protecteur loyal, c’est un honneur. Mais c’est peut-être une faveur aussi à mon attention : Sala lit en moi, il voit très bien que malgré mes efforts pour ne pas paraitre abattue, je suis rongée par un mélange dangereux de colère, de ressentiment, de tristesse et d’inquiétude qu’il vaut mieux ne pas laisser macérer trop longtemps sous le soleil des Tarides. Il m’a clairement invitée pour m’éloigner de la hutte et de tout ce qui peut me faire penser aux absents. M’éloigner du vide ainsi créé, avant que je ne m’y engouffre. Me changer les idées.

De toute façon, rien ne peut être pire que de rester ici à l’attendre. Je préfère aller affronter les moustiques, les ombres et le passé que rester ici à tourner en rond. Je ne suis pas un jouet dont on dispose. Ne crois pas que tu peux m’abandonner quelque part quand ça te chante et me récupérer docilement à la même place à ton retour. Je ne serai jamais ni docile, ni patiente.  



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Revenir dans la jungle humide en pleine saison de la fête du feu n’était peut-être pas une si bonne idée. La chaleur moite est aussi terrible que dans mon souvenir. Nous avons débarqué à Grom’gol où quelques embruns marins parviennent encore à rendre l’air respirable par intermittence. Mais il faut s’enfoncer sous l’épaisse végétation luxuriante et suffocante pour rallier l’ancienne capitale trolle. Heureusement ce sont nos raptors qui vont faire le chemin. A part Vanhem, qui n’en a pas. Je le soupçonne de vouloir éprouver la capacité et les limites de son corps massif dans ces conditions d’hygrométrie extrêmes auxquelles il n’est pas accoutumé.

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Après plusieurs heures de marche, une pluie tiède mais bienvenue accompagne nos derniers kilomètres de progression jusqu’à Bambala. Nous ne nous sommes pas écartés du chemin de terre rendu boueux, afin de limiter les risques de mauvaises rencontres, mais nous avons pu constater que toute une nouvelle portion de jungle a encore été déforestée. Qui que soient les responsables, nul doute que l’effort de guerre continu de l’année dernière y est pour quelque chose. La guerre à grande échelle demande toujours plus de ressources. Et des flottes ont été coulées, brûlées ou pulvérisées. Il faut bien les remplacer, mais ça nécessite beaucoup de bois. Certains opportunistes profitent certainement de la demande accrue actuellement dans les deux factions. Et ils grignotent progressivement la forêt vierge.

Mis à part ce triste constat, nous parvenons avec soulagement à l’avant-poste de Bambala qui sera notre pied-à-terre durant le séjour. Sala’jin et moi partageons quelques nouvelles de Sen’jin aux Sombrelances locaux dont certains ont de la famille là-bas, tandis que Vanhem est confondu avec un Zandalari, ce qui ne choque plus les visages, habitués depuis quelques temps à voir débarquer ici des voyageurs de cette tribu depuis les accords passés entre la reine Talanji et la Horde.

Nous posons nos affaires dans l’une des huttes communes destinées aux visiteurs et laissons Tso’ba et Lashar chasser et vaquer à leurs occupations de raptors à l’extérieur du village. Sala a apporté deux gros sacs chargés d’offrandes, la plupart en bois sculpté : idoles, totems, figurines. Mais il y a aussi deux tikis protecteurs qu’il a fabriqué spécialement pour Vanhem et moi. De quoi nous « marquer » comme des amis et éviter que notre présence sur les terres ancestrales gurubashi ne soient perçue par les esprits comme une intrusion.



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Afin de compléter notre « bénédiction » avant d’entrer dans Zul’gurub, Sala nous a emmené dans un petit sanctuaire séculaire dédié aux morts. Là, entre les piles d’ossements et de crânes de générations de Gurubashi, il a allumé des chandelles en nous présentant en invités, tandis que Vanhem et moi avons témoigné notre respect aux ancêtres et aux loas. Les esprits voient au-delà des apparences, ils décèlent les intentions enfouies et les mensonges. Vanhem et moi espérons donc que notre volonté sincère d’aider Sala a bien été perçue en dépit de nos origines, et que les gardiens invisibles de la cité ne se courrouceront pas de notre présence.

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Je n’ai pas le sang de trolls Gurubashi sur les mains, mais Vol’jin a mené les Sombrelances à l’assaut de la ville pour contrer les plans des Zandalari qui s’y étaient associés à Jin’do, prêtre atal’ai de triste renom. Des civils, ouvriers, chasseurs, cueilleurs, artisans, travaillant au sein de Zul’gurub ont été massacrés sans distinction aux côtés des combattants gurubashi, émissaires zandalari, infiltrés hakkari et suppôts de Jin’do tel Zanzil. La majorité d’entre eux n’a pas pu bénéficier des rites funéraires convenables. Les tiki préparés par Sala et notre brève séance de prière sont sensés nous soustraire à leur haine éternelle. Mais seule la générosité des loas peut nous prémunir contre l’autre lugubre présence qui hante les lieux…

« Nous y voilà ». La voix de Sala me tire de mes pensées. Nous avons marché, en quittant Bambala par le nord, pour atteindre la vaste entrée de Zul’gurub. Même si je l’ai déjà vu, je ne peux retenir un sourire. L’imposant corridor de murs de grès, surplombé d’une gigantesque arche à herse d’une dizaine de mètres de haut nous domine. L’unique passage pour atteindre la cité est épaulé de tours de guet inaccessibles depuis l’extérieur et se finit en un goulot d’étranglement, condamnant les armées d’assaillants à s’entasser et être criblés de projectiles, aux portes de la ville.

« Ça n’a rien à voir avec Zuldazar ! ». Le masque de bois de Vanhem dissimule son visage, mais le ton de sa voix trahit son admiration. Alors que nous avançons prudemment, le spectacle se dévoile à nos yeux au détour d’un arbre titanesque. Nulle dorure ne peut rivaliser avec l’harmonie des temples et bâtiments, ombragés par les milliers de feuilles de la dense canopée. Ici les cours d’eau ne sont pas contenus par des barrages ou des bassins artificiels ; l’eau s’écoule en cascades monumentales le long de parois rocheuses abruptes. Rien n’est symétrique ni parallèle ; les ponts en corde reliant les multiples rives autour du lac central ont été construits là où la nature le permettait. Si l’espace des temples est défini par des murs d’enceinte, les zones d’habitation composées de huttes parsèment quant à elles toute la ville sans distinction. Le sacré et le profane s’y côtoyaient étroitement au quotidien. Le prêtre et le boucher y sont voisins.

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Sala s’avance, nous guidant à travers sa ville. Il a visiblement parfaitement en tête le parcours qu’il a l’habitude d’emprunter et l’ordre des temples à visiter. Le premier et plus proche est celui dédié à Hethiss, le loa serpent. Avec Shadra, c’est mon autre favori.

Nous pénétrons sur l’ancienne place décorée qui pouvait certainement accueillir plusieurs centaines de dévots en même temps lors des grandes célébrations. Aujourd’hui nous ne sommes que trois. Les braseros sont éteints, les anciens bols et calices renversés. Seules l’autel et les statues qui l’encadrent ont tenu bon contre les intempéries et le temps. Je capte le regard inquisiteur de Sala qui, sous couvert d’explications à Vanhem, parcourt chaque recoin, surement à la recherche d’un signe, de traces de passage. D’un indice de présence d’un autre gurubashi qui aurait pu venir ici déposer également des offrandes, brûler une bougie, dans les dernières semaines ou mois. En vain.

Sans se laisser démonter, il nous entraine ensuite en bas des marches de l’estrade en pierre, réservée aux prêtres, sans s’aventurer au-delà. Je m’agenouille à ses côtés tandis qu’il y dépose ses offrandes sur la première marche, sous le regard attentif et curieux de Vanhem dans mon dos. Après les formules d’usage, nous passons quelques minutes à prier en silence. Je me concentre, m’efforce de calmer mes pensées et recherche la quiétude, la sagesse et l’intelligence d’Hethiss.



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Je perçois le regard et le souffle de Sala se figer derrière son masque. Nous marchions au travers du dédale de la ville, le long d’anciennes rues pavées recouvertes de feuilles, de lierres et de mousses. Auparavant ce passage était très fréquenté nous avait-il annoncé fièrement. Car il desservait les temples de Shirvallah et de Bethekk. Vanhem avait eu moment de suspicion en passant devant une succession de tikis-gardiens sur un mur, mais la magie qu’ils contenaient était évanouie depuis longtemps.

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En passant à l’angle d’un corridor, les jambes de Sala ont ralenti, jusqu’à s’arrêter complètement. Nous contemplons l’éboulis monstrueux qui obstrue la porte arquée, creusée dans l’épaisse enceinte que nous aurions dû emprunter pour accéder au temple de Shirvallah. Sala s’élance en avant pour atteindre le lieu du drame, et tombe à genoux en jetant au sol sa hache et son bouclier. Je pose un regard peiné à Vanhem qui me renvoie la même inquiétude. Lorsque nous nous rapprochons de lui, j’entends le Gurubashi bredouiller « ce n’est rien, ce n’est rien, je vais tout arranger ». Il soulève et écarte les gravats, s'aidant parfois de son bouclier comme d'un levier, mais il est évident que les plus gros blocs seront impossibles à déplacer, même en cumulant nos trois paires de bras.

Poursuivant frénétiquement sa tâche, Sala se retrouve progressivement entouré d’un nuage de poussière soulevé par ses efforts. L’accès est englouti par les décombres de la structure monumentale, il n’y a plus rien à faire pour le moment. Mais Sala ne veut pas l’admettre. J’aimerais trouver les mots pour le réconforter, mais rien ne sort de ma bouche.

Je l’ai taquiné plus tôt, à propos de l’état délabré d’un pont en cordes que nous avons traversé avec prudence, qui pourrait bien céder et auquel il manque déjà plusieurs planches de bois pourri : « Il est temps que tu te mettes à la charpente si tu veux que ça tienne encore debout à ton prochain passage ! ». Il en a ri. Je m’en veux terriblement maintenant. Sa ville natale s’effrite et se désagrège peu à peu sous ses yeux, et il est impuissant à la sauver. Seul, il ne pourra pas la préserver. Même s’ils étaient une poignée de Gurubashi ils ne pourraient que retarder l’inévitable. Il faut une main d’œuvre conséquente, une grande organisation, de nombreux artisans et ouvriers pour pourvoir à l’entretien d’une cité de cette taille.

« Non, non, non… il suffit juste de… si je peux bouger ce… » La main géante de Vanhem se pose sur l’épaule du Gurubashi, derrière son masque, la voix du colosse est calme, ferme et rauque : « Arrête Sala. Il va abîmer son bouclier et risquer un autre éboulement. » Le corps de Sala s’affaisse, courbé en avant, cessant de s'acharner contre un gros bloc de plusieurs tonnes. Son point se serre et vient frapper la terre meuble avec la rage du désespoir.



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Même si Sala parvient à récupérer un peu d’entrain, grâce à son optimisme et sa détermination sans borne, la suite de notre visite se fait dans une ambiance moins légère. Les offrandes et prières à Shirvallah ont été faites dans l’ancienne enceinte annexe au temple, destinée à l’élevage des tigres. C’était là que les prestigieux tigres gurubashi étaient soignés et dressés pour devenir les fidèles familiers ou montures des gardiens du temple dédié à leur père-tigre. Sala a paru les voir comme s’ils y étaient encore.

Mais il n’y a pas que la mélancolie du Gurubashi qui pèse sur notre groupe. Je fuis autant que possible du regard le temple dressé sur l’îlot du lac central de Zul’gurub. Autel maudit d’entre tous. Mes yeux s’y sont posés par inadvertance une seule fois et j’ai bien cru… qu’est-ce que je pense avoir vu exactement ? L’ombre de l’Ecorcheur ?

Je ne suis pas parle-loa, je n’ai pas le don de percevoir le monde des Invisibles. Idiote, alors pourquoi est-ce que je détourne la tête comme ça ? S’il est vraiment là, ce n’est pas parce que je regarde ailleurs que LUI ne me regarde pas. E'chuta ! Tu n’es plus une enfant, ce n’est pas parce que tu te caches le visage derrière ton poncho que le monstre va t’oublier ou disparaitre ! Peut-être que je l’ai juste imaginé ? Que ma peur combinée à mes souvenirs, combinés à la morosité, combiné à cette chaleur insupportable me font voir des mirages ?

Je n’ose pas en parler à mes camarades de route. Mon statut de « folle » est déjà plus que complet, pas besoin d’en rajouter une couche. Je dois juste mener ce pèlerinage jusqu’au bout avec Vanhem et Sala, sans regarder vers le lac. Et tout se passera bien. La technique enseignée par Jum’sha me revient en tête. Je ferme les yeux et tente de reconstituer l’image de l’endroit où je me sens le plus en sécurité au monde.

Le vent paresseux du matin qui souffle contre la toile, faisant grincer les soutiens en bois et tinter les coquillages suspendus. Le chant des criquets qui s’éveillent au-dehors. Le soleil chaud qui se lève transformant l'environnement obscur... en gris ? Sa peau, son odeur, ses bras forts qui m’enlacent dans une étreinte éternelle, durcis et figés par la rigidité cadavérique. Je ne veux pas regarder mais je sens très bien : il git inerte sous moi, pâle et transis, les orbites vides sur une expression de terreur. Je ne veux pas regarder mais je regarde...

Je rouvre les yeux, un frisson me parcourant l’échine et les bras, le souffle agité. La sueur perle de mon front. Mes yeux sont humides. Pitié, puissants loas, faites qu’il ne lui arrive rien à l’autre bout du monde. Ce n’était que mon imagination, n’est-ce pas ? Faites que ce ne soit pas un mauvais présage. Je ne peux pas me rassurer si j’ai peur pour lui.

Je vais me contenter de ne pas regarder le lac. Ne pas regarder le lac. Ne pas le regarder. Juste un coup d'oeil pour vérifier. Surplombant le temple central de toute sa hauteur, assombrissant l'espace comme s'il absorbait la lumière diurne, l'ombre écrasante des ailes déployées, deux yeux jaunes luisants me fixent avec avidité.

Je détourne la tête et pose une main moite contre le tiki offert par Sala'jin, accroché à ma ceinture. Nous venons de quitter le temple de Bethekk, ne restent plus que ceux de Shadra et Hir’eek. Ils nous rapprochent de la sortie. Il n’y a rien à craindre, pas vrai ? Après tout, si quelque chose avait dû se produire, elle se serait déjà produite… non ?




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Sala avait gardé en dernier la visite des temples des deux loas « les plus affaiblis » que sont Shadra et Hir’eek. Après les exactions des serviteurs atal’zuli et la corruption des trolls de sang et de leur loa Ghuun, la Gardienne des secrets et le Seigneur des cieux avaient disparu de l’île de Zandalar. Ils avaient peut-être aussi disparu du cœur des Zandalari, mais pas de celui du Gurubashi. Au contraire, à ses yeux il était nécessaire de redoubler d’offrandes et de prières pour aider ces deux loas à regagner des forces. Un jour, leurs avatars réincarnés arpenteraient à nouveau le monde visible.

Retournant vers l’entrée de la ville, le parcours n’en fut pas moins compliqué. Nous avons dû grimper et passer par-dessus un ancien obélisque fracassé en travers de l’allée menant au sanctuaire de Shadra. Quant au pavillon dédié à Hir’eek c’est un arbre colossal de la jungle, couché en travers, sans doute touché par une explosion lors des combats, qui bloque le passage.

Heureusement Sala connait un autre moyen d’y accéder, mais moins facile : il faut suivre un sentier escarpé sur l’une des falaises bordant le lac et traverser une rivière tumultueuse juste avant qu’elle ne se jette en cascade. Quand nous arrivons à sa hauteur, on constate en effet que malgré le courant fort, plusieurs rochers émergent et permettent de rejoindre l’autre rive si l’on saute de l’un à l’autre.

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Je passe la première, suivie de Sala. Mais Vanhem tombe à l'eau, heureusement en amont. Se rattrapant de justesse au rocher, il regrimpe dessus et retente, mais il est à présent trempé de la tête aux pieds, les rochers sont rendus glissants. Il fait un nouveau plongeon dans l’eau, manque tomber dans la cataracte vertigineuse et doit être secouru par Sala, avant de finalement parvenir à franchir la rivière. Je sens la frustration et la colère de l’ancien changeforme derrière sa posture digne et silencieuse. Il ne peut plus se transformer depuis qu’il a sacrifié volontairement cette partie de lui au Père des trolls, au cours de son rite initiatique. Il doit se contenter de son corps de troll. Même s’il a nourri et sculpté une musculature et un mojo considérables durant les derniers mois, il n’a plus la souplesse et l’agilité d’un félin. Est-ce qu’il regrette ?

Nous portons le dernier lot d’offrandes avec un respect solennel pour le loa chauve-souris, protecteur des égarés, guide des âmes aveugles et désespérées, dont le meurtre commis par la Horde en Nazmir laisse planer le doute : Hir'eek était-il réellement hors de toute rédemption ? Ne pouvait-il être extrait de l'influence néfaste de Ghuun ? Nous connaissons la propension de la Horde à tuer les enveloppes charnelles de loas sous couvert de fausses excuses ou des justifications précipitées. Shadra en avait été victime dans les Hinterlands des années plus tôt.

Nous redescendons avec prudence pour rallier la porte de la ville. Je laisse les deux trolls discuter et me concentre sur mes pieds, la tête basse en comptant chaque pas qui me rapproche de la sortie, de ma délivrance. Alors que les herbes folles et les pavés défilent au rythme de mes pas, je retiens subitement mon pied droit, m’interrompant juste à temps pour ne pas le poser à terre, suspendu à quelques centimètres au-dessus du sol. L’instant d’après ce que j’avais aperçu sans en être sûre m’est confirmé : une « petite » araignée sombre, de la largeur de ma main s’enfuit de mon ombre et se faufile avec une rapidité foudroyante dans les hautes fougères hors de vue.

Je souris en regardant la fille de Shadra, sauvée d’un écrabouillage malheureux, s’éclipser. C’est un bon présage. Peut-être la Maîtresse des espions a-t-elle veillé sur moi pendant ce séjour, sans que je le sache. Nous franchissons la porte de l'imposant rempart de la ville et je laisse Zul'gurub et le spectre d'Hakkar derrière moi.



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Nous voilà à faire le chemin retour entre Bambala et Grom’gol. Sortis de la cité, c’est un soleil plombant, un sentiment de soulagement et un peu de fierté qui nous réchauffent les cœurs. Voilà une bonne chose de faite. Vanhem et moi espérons avoir été un soutien moral pour Sala. En tout cas, une chose est sûre, ce voyage aura raffermi nos liens. Et nous ne repartons pas les mains vides !

Je laisse le colosse et le Gurubashi débattre à propos de la parure dorée en forme de croc et du morceau de papyrus presque en miettes qui ont été trouvés. Je n’ai pas l’impression que ça ait de rapport avec le loa oublié, mais c’est une relique gurubashi qu’il vaut mieux avoir en sécurité avec nous qu’à portée de mains peaux-roses.

Le soleil couchant de l’ouest tombe entre les arbres, nous aveuglant entre les troncs tandis que nous approchons de la côte. Je me laisse bercée au rythme des flancs battants de Tso’ba et des bruissements de la jungle. La conversation que j’ai eu avec Vanhem sur la plage de Sen’jin le soir de mon anniversaire me revient en mémoire :

« - Je suis étonné que Jum’sha ait choisi de partir… un jour comme celui-ci.
- Jum’sha doit aller là où il pense qu’est sa place.
- Tu es plus sage que ce que l’on dit de toi. Mais pour que ça fonctionne, il faut que ta phrase s’applique dans les deux sens. »

Je ne suis pas sage du tout. J’ai dit ça, plutôt pour donner le change – ou pour me persuader ? – que par maturité. Mais maintenant je perçois la clairvoyance de ces mots. La place de Jum’sha n’est pas constamment à mes côtés. Par son départ, il m’a envoyé un message très clair sur la façon dont il conçoit notre couple. Nous devons nous soutenir, mais nous ne devons pas dépendre l’un de l’autre.

Il doit aller là où il pense qu’est sa place. Et je dois aller là où je pense qu’est ma place. Indépendamment de tout le reste. Sans avoir besoin de s’expliquer, de se justifier ou de s’attendre. J’ai juré fidélité au loa oublié, et mis ma vie au service de Celle-qui-voit pour accomplir la noble mission de retrouver la savance originelle. Tel est mon but et je dois m’y consacrer pleinement.

Ce qui compte vraiment c’est que je continue à chercher la savance des trolls anciens, coûte que coûte. Chercher des pistes. Faire ce que les autres ne peuvent ou ne veulent pas faire. Prendre des initiatives. « Arrête de ne penser qu’à toi. Ton énergie pourrait être mieux employée. Au lieu de t’apitoyer sur tes petites peines de cœur égoïstes, concentre-toi sur ce qui compte vraiment. »

Ce n’est pas Jum’sha le problème. Je voulais qu’il récolte tout mon mécontentement et ma froide colère. Mais j’en suis incapable parce que je ne parviens pas à le détester. Et ça créait un tourbillon de mojo violent en moi. Je me déteste quand je suis dans cet état. La vraie source de mon malaise c’est l’angoisse qu’il ne revienne pas. Et plutôt que de contrôler cette angoisse, je me suis laissée aller à lui en vouloir. Alors qu’il n’a rien fait de mal. Je l’incriminais d’être parti, mais maintenant c’est terminé. Je vais calmer ma peur et faire des choses utiles et constructives au lieu de me morfondre. Et quand il rentrera je serai simplement heureuse. Parce qu’il sera revenu sain et sauf. Et c’est ça qui compte vraiment.
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