Les secrets des terres pas-mortes

Le groupe a négocié pour retrouver un guide mort-vivant, une fois sur place, qui connaisse la région visée et puisse les informer sur les lieux dangereux à éviter et au contraire sur les zones où pourrait se cacher une tribu trolle de nos jours. Ce guide se nomme Mikael, ou Michel, quelque chose comme ça. C'était un ami d'une connaissance de Wa'dip. Autant dire qu'on n'en savait très peu sur lui.

Je ne remets pas en cause la sincérité de Wa'dip, mais depuis la disparition de la Reine-zombi, qui peut dire où va l'allégeance de chaque mort-vivant ? La Horde a choisi de ne pas mener de chasse aux sorcières et de simplement pardonner à tous ceux qui le demandaient. Un simple "je souhaite continuer à servir la Horde" et tout est oublié. Peut-être que la Horde ne pouvait pas se permettre d'entrer en guerre civile interne, ou de perdre encore plus de bras pour rebâtir et se relever ? Mais personne n'est dupe : il y a un paquet de loyalistes à Sylvanas, d'anciens convaincus et de va-t-en guerre qui gangrènent aujourd'hui la faction, dissimulant leur véritable allégeance, attendant le retour de jours plus propices à leurs objectifs, ruminant contre ce "conseil de la Horde" provisoire et cette insupportable humiliation.


Se faire téléporter dans une région à dominante morte-vivante, et aller à un point de rendez-vous au milieu de nul part pour rencontrer un Réprouvé dont on ne sait presque rien ? Impossible pour moi de laisser mes amis prendre ce risque sans être là pour couvrir leurs arrières. Je sais que ma place est auprès des miens, de mon village, de ma famille, mais si je peux au moins les protéger le temps de la première entrevue avec ce guide non-mort, m'assurer que ce ne soit pas un traquenard, qu'il n'y ait pas dix loyalistes en embuscade prêts à faire disparaitre un groupe de trolls trop aventureux...

J'ai donc accompagné notre groupe de voyageurs à Orgrimmar, et emprunté avec eux le portail magique ouvert par Kaellian de Basse-Tour. C'est un sorcier sin'dorei rencontré en Quel'thalas, il m'avait fait bonne impression - certains elfes savent être sympas, et ils font de si délicieux gâteaux !. En plus il avait escorté Sala'jin et Ta'ka dans d'anciennes ruines trolles près de ses terres, sans entourloupe ni arrogance.

Avant de partir, Wa'dip a confié à chacun des décoctions de sa préparation, à base de champignons évidemment. De quoi les aider dans leur périple en terres étrangères. De plus il a transmis certaines de ses connaissances à la jeune Shai'ri, sur leur utilisation. Nefterys, l'étrange parle-loa des sables qui enseigne ses arts à Trik'we, sera aussi du voyage. Ça me rassure que celui-là ne soit pas lâché dans la nature sans garde-fou.


Kaellian ouvre un portail autorisé, profitant des voies magiques circulantes - ou quelque chose comme ça - mais privé, hors des chemins officiels proposés. Grâce à lui, nous arrivons au plus près de la zone ciblée par les recherches sur une mystérieuse tribu de trolls des forêts, à l'Ouest du continent de l'Est (d'après les informations recoupées récupérées à Zuldazar).


Mais ouvrir un tel passage seul, même en calculant la trajectoire et en s'aidant des forces mystiques latentes, ça demande beaucoup d'énergie. Kaellian n'en même pas large, bien qu'il soit aidé par un esprit loa de son peuple. Il vérifie que tout le monde traverse, qu'on récupère le groupe au complet, tenant le coup jusqu'à relâche son incantation une fois tous les trolls du bon côté du portail.

Quant à nous, habitués ou non à voyager de cette façon, les effets de nausée et de vire-vire sont partagés. Pour ma part je déteste ça... et dire qu'il va falloir que je fasse le retour de la même façon dans peu de temps ! Pour sûr, je serai vite de retour à Sen'jin... mais dans quel état ? Oghun et Jum'sha vont me retrouver liquéfiée.

Néanmoins pour l'instant nous sommes au milieu d'un cratère de la ville des mages, Dalaran, encore saturé d'énergie. On ne s'attarde pas sur les lieux.


Une fois gravies les pentes abruptes formées par le gouffre, on tombe sur un humain grassouillet. Notre arrivée n'est donc pas passée inaperçue. Heureusement Kaellian converse avec le peau-rose, mais je reste sur mes gardes. Le Kirin Tor est neutre. Soi-disant. Des paroles qui n'engagent que ceux qui y croient. Tant que ça les arrange ils sont neutres, mais à la première échauffourée, ils prennent parti pour l'Alliance. On sait déjà comment ça se passe. On est en temps de paix. Précaire. Comme toujours. Moi je me méfie. Cependant Kaellian négocie notre passage et on déguerpit sans demander notre reste.


En attendant le rendez-vous avec le mort-vivant qui se propose d'être guide forestier - rencontre convenue près du Lac Lordamere - le groupe a un abri dans une ancienne demeure appartenant à Kaellian, d'un temps où il avait, comme nous, un groupe hétéroclite mené par des idéaux. La région semble bien plus saine que les Maleterres, c'est déjà un bon point. Mais qu'est-ce qu'il fait froid ! La tiédeur de mes chères Tarides me manque.

J'ai aussi averti le groupe des informations récupérées auprès de Arévas Summerbreeze, un champion sin'dorei des Fils de Quel'thalas, revu durant les festivités d'hiver à Mulgore. Lorsque je l'ai interrogé sur la présence d'une tribu trolle dans les alentours de Fossoyeuse, il m'a révélé que ces derniers auraient été tous massacrés par la Dame Noire et relevés à son service quand elle combattait le démon Varimathras. D'ailleurs selon lui ce fut le funeste destin des brigands, ogres et murlocs qui peuplaient auparavant ces régions. Sala'jin reste confiant qu'il peut y avoir des survivants, cachés quelque part. Mais il faut se préparer à l'éventualité que seul un village abandonné et ravagé puisse les accueillir au bout du chemin.

Après avoir rencontré Mikhaïl et s'être assuré de ses services honnêtes, le groupe de trolls quitta Acrae, rassurée sur les intentions du guide mort-vivant, pour s'enfoncer vers l'ouest, vers la forêt des Pins argentés. La présence de Mikhaïl (et de ses deux familiers tous aussi non-morts, une chienne et un oiseau de proie) n'était pas seulement une aide pour s'orienter dans ces terres inconnues, mais surtout indispensable pour comprendre et se faire comprendre des Réprouvés. Cela pouvait éviter bien des désagréments face à ce peuple à la fois meurtri, trahi et trompeur.


Leur traversée ne passa pas inaperçue et une patrouille de morts-vivants croisa leur route et s'arrêta pour les questionner sur la raison qui pouvait amener une petite troupe de trolls sur ces terres. Mikhaïl discuta avec eux dans leur langue et les rassura, tout en traduisant les questions des trolls à propos d'une tribu disparue dans la région.


Les morts-vivants proposèrent au groupe de les conduire à leur village, disposant d'archives et d'une bibliothèque mais les trolls refusèrent, restant méfiants quant à des possibles loyalistes et traquenards, car les rumeurs allaient bon train sur des Réprouvés faisant acte d'indépendance et fondant leur propre bannière, depuis le chaos politique subi avec la trahison de Sylvanas. Les trolls notèrent toutefois l'invitation, avant de poursuivre vers leur destination prévue : le Sépulcre, un endroit sûr et sous surveillance de la Horde, où ils pourraient se renseigner.


Cependant les trolls furent bien déçus en découvrant que l'avant-poste du Sépulcre n'était en réalité qu'un ancien cimetière, dont les cryptes, la chapelle et la maison du croquemort avaient été aménagés par les Réprouvés en zone de repos et de ravitaillements. Mais qu'attendre d'autre de la part de gens ayant bâti leur capitale dans les égouts et les catacombes d'une ancienne grande cité ? Les seuls archives du Sépulcre furent les registre des avis de décès et obsèques... et de ceux relevés au service de la Dame Noire, puis re-morts. Ce qui n'était guère pertinent pour retrouver une possible tribu trolle. Les trolls purent au moins établir plus précisément les différents points d'intérêt de la région, avant de se trouver un coin à l'écart, entre les fameux sapins argentés pour réfléchir à la suite.

Le groupe trouva un gardeffroi stoïque et las qui accepta de répondre à leurs questions en espérant visiblement voir déguerpir cette troupe de vivants bruyants, incivilisés et trop curieux au plus vite. Non, il n'y avait pas de rapport de mission mentionnant des trolls dans cette région - mais il ne tarderait pas à y en avoir un s'ils continuaient à fouiner partout. Non, personne par ici ne s'intéressait à de potentielles ruines trolles, ces terres n'étaient plus les leurs depuis bien longtemps.

Les Héritiers repartirent néanmoins avec une piste : le mort-vivant se souvenait vaguement d'une histoire de son ancienne vie, celle du fermier Valgan qui avait raconté avoir trouvé un pied troll dans l'un de ses pièges à ours. Mais c'était bien avant le Fléau. Et puis ce n'était peut-être bien qu'un commérage de paysan voulant faire parler de lui. Les trolls ne purent rien apprendre d'autre, le réprouvé n'ayant visiblement pas d'autre souvenir de son ancienne vie sur le sujet - ou préférant ne pas se les remémorer.  


Ils se concertèrent avec Mikhaïl tout en consultant leur carte de la région pour localiser la ferme de la famille Valgan. Elle n'était pas très éloignée du Sépulcre, ils n'avaient donc rien à perdre à faire le déplacement, bien qu'il soit peu probable de retrouver après tant d'années le fameux "pied troll", à moins qu'il ne fut empaillé et gardé en "trophée" par les humains de l'époque ? Et que pourrait bien leur apprendre un pied seul pour localiser le reste de la tribu recherchée ? Préférant n'écarter aucune piste, le groupe prit la route pour la ferme.

Cette dernière, depuis longtemps abandonnée, était composée d'une vieille bâtisse, d'une grange et de vastes parcelles entourées de clôtures. Tout était en bois, à présent vermoulu et en partie détruit. Restant sur leur garde, un tour d'inspection plus tard, il ne sembla heureusement pas y avoir de trace de goules ni de worgens ou autre bête pestiférée. Certains firent le guet dehors pendant que d'autres visitèrent la demeure humaine plongée dans l'obscurité, à la recherche de n'importe quel objet troll ou indice.

Cependant en voulant monter à l'étage, Trik'we fut frappé de stupeur en ressentant violemment une présence qui ne voulait pas d'eux ici. Pétrifié, happé par l'énergie latente affligée d'une profonde tristesse et exprimant son impérieuse volonté à l'encontre des intrus, il recula, obligeant Sala'jin à lui aussi redescendre les marches des escaliers. Il devint évident que la maison n'était pas entièrement inoccupée et Rok'hen Zula proposa de tenter d'exorciser les lieux par un rituel purificateur. Appelant les esprits à se reposer, elle se retrouva confrontée à la présence spectrale et glaciale d'une banshee. Une fiole d'eau sacrée de Zandalar fit pousser à l'apparition un affreux hurlement strident alentour. Sonnés par le cri, les trolls ne virent pas venir l'attaque d' une grande chose à huit pattes surgissant d'un recoin sombre.


Le chaos se répandit. Attaquée par une hideuse araignée décharnée de grande taille, la Lun'alai se transforma d'instinct en ankylodon et fonça en direction de la sortie, mais emporta avec elle dans sa fuite plusieurs lattes de bois du mur, faisant craquer les poutres fragilisées de l'habitation. Alerté par les cris des trolls, Mikhaïl qui contrôlait l'arrière de la bâtisse, revint en toute hâte et tomba sur une réprouvée qui elle aussi accourait visiblement vers la porte d'entrée.

"- Des ennemis attaquent ! Aidez-moi !
- Qui ? Où ?
- Mon amie et mon araignée de compagnie montent la garde en mon absence ! Nous habitons ici depuis la destruction de Fossoyeuse ! J'ai entendu Vrisine hurler !"

L'os de l'index pointa en direction de la maison d'où des protestations en zandali et une certaine cohue se faisaient entendre. La morte-vivante se recroquevilla en voyant que plus loin dans les champs, une sorte d'énorme tortue hérissée de pointes s'était emparée du vieil épouvantail et revenait au pas de charge vers la ferme ! Mikhaïl poussa un juron en comprenant le quiproquo.

Se précipitant à l'intérieur il tenta de calmer les trolls occupés à pourchasser la monstrueuse araignée à présent blessée et bloquée dans un coin de la pièce. Il fallut expliquer, traduire que la banshee n'était pas une ennemie mais bien une occupante des lieux, et l'araignée morte-vivante un animal domestique comme l'étaient ces deux compagnons à lui. Le Réprouvé pansa et soigna la blessure de la pauvre arachnide tandis que Trik'we, Shai'ri et Rok'hen Zula présentèrent des excuses à la réprouvée nommée Charlène. Les Héritiers doivent apprendre qu'en ces terres, les morts - de toutes formes, y compris désincarnés - ont le même statut que les vivants. Ce que ne manqua pas de répéter Thurrel, le crâne flottant du compagnon de Nefterys !


Une fois les tensions apaisées et le calme revenu dans la ferme, Charlène s'enquit de la raison qui amenait des trolls à visiter les anciens domaines agricoles de Lordaeron et à tenter d'en chasser les occupants. Quand Shai'ri et Rok'hen Zula parlèrent d'un pied de troll et expliquèrent dans un orc approximatif être à la recherche du reste des morceaux de trolls disparus, la morte-vivante se souvint avoir lu un vieux journal poussiéreux appartenant à l'ancien et dernier propriétaire vivant des lieux, Anthos Valgan. Elle le confia à Mikhaïl qui passa une nuit à le lire entièrement, à la recherche d'informations pertinentes pour les Héritiers.  

Le journal, rédigé dans la langue du bas-parler lordaeronnais ancien, retraçait la vie du fermier sur quelques trente ans. La majorité des pages traitaient surtout de banalités rurales, occupations journalières, travaux, soucis domestiques, fêtes villageoises, prêt d'une charrue, remplacement d'une jument, ventes aux marchés, mariages dans le voisinage, attaque de gnolls sur les troupeaux et autres échos distants de la capitale de Lordaeron. Mais il trouva quelques passages surprenants, mentionnant la possible présence de trolls dans la région des années auparavant, dont il leur fit une lecture traduite aussi fidèle que possible.

Citation :

An 16, début de la belle saison

Trouvé pied troll dans un de mes pièges à ours, à environ 1 km au nord des champs. Le membre était coupé au dessus de la cheville. Dès le lendemain, j'en ai parlé au vieux Finitras. L'an dernier il clamait que l'attaque sur l'un de ses troupeaux dans les collines n'était pas dûe à une meute de loups, ni à des gnolls, mais à des trolls. Ils s'approchent de nos maisons ?

...

Rassemblement des métayers pour discuter de la chose. Il a été convenu d'aller présenter la preuve au seigneur de Fenris. A mon avis c'est une perte de temps ; il rechigne le plus souvent à engager ses propres troupes en dehors de son île et fera valoir que c'est à la capitale qu'il incombe d'envoyer quelques soldats ou chevaliers. Envoi d'une lettre pour demander audience.

...

De retour du donjon de Fenris. Sa seigneurie et ses troupes sont occupées à la défense du rivage rayonnant contre les murlocs ailerons-noirs, pour protéger les pêcheurs du lac. Lorsque le pied – désormais en état de décomposition avancée – lui a été présenté, il était évidemment que son souhait le plus ardent était de nous congédier au plus vite.

…

An 16, troisième semaine de moisson

Le père Mardais est passé à la ferme. Après que nous ayons échangé les nouvelles, je lui parlai du pied troll trouvé au printemps et de la disparition de l'aîné des Bréhards alors qu'il participait à une battue de chasse. Il a raconté que les gens plus au sud de la Forêt ont aussi des problèmes de trolls. Il a conseillé de requérir l'aide du Baron d'Argelaine, bien qu'il soit sous la juridiction du royaume de Gilnéas.

J'en ai discuté avec Bétanie, son ventre s'arrondit de semaine en semaine. Je ne veux pas perdre du temps avec un autre seigneur. Courrier envoyé aux membres du conseil de Bois-du-bûcher pour les informer des faits. Leur village dispose d'une milice ; ils pourront peut-être prévoir des fouilles et traques organisées dans les bois.

…

Quatre semaines avant le solstice

Le vent fraichit. Les dernières récoltes de l'année ont été mises à la grange. Réponse reçue du maire Morrison. Il confirme que leurs gens ont également des preuves de présence de trolls dans la région. Des traces de pas caractéristiques dans la boue sur leurs terres ne laissent pas de doute concernant les disparitions et attaques isolées subies. Leur village dispose de murs d'enceinte renforcés, mais ils vont pousser des recherches méthodiques dans toute la Forêt pour dénicher le nid de ces bêtes et retrouver la sécurité dans les semaines à venir.

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Annonce venue du conseiller Hendricks : un troll aurait été abattu. Voilà de quoi mettre en garde ces créatures et leur faire comprendre de quitter les lieux !

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Début an 17

Le givre tient au sol en journée. Nos sorties se limitent au strict nécessaire. Il y a assez de bois pour chauffer encore plusieurs semaines. L'hiver a retardé les traques mais espérons qu'il a aussi figé les bêtes au fond de leurs tanières pour un moment.

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Saison du dégel, premiers semis

Les jours rallongent et l'enfant naîtra avant l'été. Tout paraît au mieux. Pas de nouvelle de Bois-du-bûcher, mais pas eu d'inquiètude depuis la fin de l'année.

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Attaque de loups sur des brebis. Perte de cinq têtes, dont deux jeunes. Prévoir d'acheter un chien de berger supplémentaire aux Moulins dans les prochains jours.

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Dernier jour des semis

En allant puiser de l'eau à la rivière Solène a hurlé en découvrant de nombreux cadavres et morceaux de murlocs portés par le courant et échoués sur les berges ou au creux de rochers. Battue du seigneur de Fenris à l'embouchure du lac ? Devons passer la journée demain à les retirer de l'eau et les brûler pour ne pas attirer les meutes, les rats et les mouches.

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An 17, saison chaude

Récoltes prometteuses. Les voyageurs et commerçants ambulants parlent de soucis survenus à Andorhal récemment, une grande partie des grains était pourrie, ce qui a fait grimper le prix des pois et de l'orge sur les marchés dans tout le royaume. Les ventes seront fructueuses.

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An 17, solstice d'hiver

La rumeur aux Moulins parle d'orcs en maraude échappés de camps d'internement à Hautebrande. Comment est-ce possible ? A quoi sont payés les surveillants ? Après les trolls, nous devons donc craindre les orcs ? Avec le surplus de nos gains, j'ai fait renforcé la porte.

…

Premières neiges. Il y a des rumeurs à propos d'évènements sombres à l'Est. Je n'ai pas voulu alarmer Bétanie, elle a besoin de calme pour allaiter le bébé. On parle de gens qui reviennent d'entre les morts et de vivants enragés.

…

Début an 18

Sommes isolés par une épaisse couche de neige. Route impraticable.

Les chiens ont aboyé tout la nuit.
Trouvé traces étranges dans la neige en faisant un tour d'inspection. La forme est celle de patte de loup mais bien trop large, et le tracé est celui d'un bipède. Très étrange. Une farce ?

Le reste du journal évoquait une angoisse croissante devant une menace inconnue, puis l'organisation et la survie pour lutter contre les morts-qui-marchent et les loups-qui-marchent, mais n'évoquait plus de troll jusqu'à la dernière page, maculée d'une épaisse tâche noire.

Bois-du-bûcher

D'après le récit du journal d'Anthos Valgan, le village de Bois-du-bûcher, au sud de la forêt, avait aussi eu affaire à des trolls et s'était organisé pour les contrer peu avant que le Fléau ne se répande. Les Héritiers partirent donc en direction du sud, bien que Mikhaïl les avertit que l'endroit avait été fortement saccagé par la guerre.

En effet, si Bois-du-bûcher avait su résister aux assauts du Fléau et tenir bon jusqu'à la fin de la Troisième Guerre, la présence de ces irréductibles survivants attira l'attention des Réprouvés libérés du Fléau et cherchant à reconquérir leurs terres et sécuriser leur position à Fossoyeuse. Le pacte découvert conclu entre Bois-du-bûcher et le mage Arugal (invocateur des premiers worgens) convainquit les Réprouvés de la nécessité de se débarrasser de ces vivants qui pouvaient devenir dangereux et constituaient un pied-à-terre pour l'Alliance dans la région : des attaques furent menées pour déstabiliser le village, supprimer le conseil municipal, les magistrats et l'isoler jusqu'à leur faire abandonner cette position stratégique. Mais ce fut lors de l'offensive de la Horde contre Gilnéas que le village fut incendié par les Réprouvés aux méthodes de terres brûlées, afin d'empêcher l'Alliance de s'en reconstituer une tête de pont. Le feu dévasta tout, notamment  l'hôtel de ville regroupant les précieuses archives...

En arrivant sur place, les trolls ne purent que constater l'état de délabrement des restes du village. La majorité des maisons calcinées étaient effondrées et éventrées, ne laissant que des décombres noircis. Il ne restait qu'ici et là quelques objets témoignant de l'ancienne vie de ses habitants et de leur fuite précipitée face au conflit et à la terreur. Abandonné, l'endroit faisait triste mine, mais les Héritiers eurent rapidement l'impression de ne pas être complètement seuls. Des esprits ? Des morts-vivants ? Quelque chose se glissait hors de leur champ de vision, les épiait. Ils trouvèrent un bâtiment à peu près épargné des flammes qu'ils se répartirent pour fouiller tout en montant la garde.

L'intérieur détérioré et moisi semblait pourtant avoir encore servi récemment et il y subsistait une odeur de bête. Une odeur de poils humides. Les quelques documents étaient en langue de l'Alliance et figurait des noms, des listes. Quelques caisses comportaient visiblement des réserves sommaires. L'endroit servait donc de lieu pour transmettre des informations ? Un poste de surveillance de l'Alliance pour vérifier les actions des Réprouvés et de la Horde ? Et combien d'éclaireurs ou d'espions rodaient dans les parages ?

Une ombre massive mais vive se glissa à toute vitesse non loin d'eux et s'esquiva à toute allure entre les ruelles. Au loin, un loup se fit entendre. Les Worgens se rassemblaient ? Etaient-ils en train de se coordonner et se transmettre les informations sur le nombre et la localisation des trolls dans Bois-du-bûcher ?

Les Héritiers ne tentèrent pas leur chance plus longtemps et repartirent rapidement : s'ils restaient ici à fouiller, ils finiraient par se confronter aux hommes-loups qui, sans doute pour le moment jaugeaient les intrus et évaluaient les angles d'attaque. De plus, le village trop abîmé par la guerre, n'abritait visiblement plus rien d'utile pour leur quête de la tribu trolle recherchée.




Caldora

Cherchant une alternative, le groupe se présenta au village de Caldora, un autre petit village de la vaste forêt, dont ils avaient croisé des patrouilleurs et dont ils avaient appris au cours de la conversation qu'il possédait quelques documents et archives. L'endroit avait déclaré son indépendance après la disparition de la Reine Banshee et la prise de fonction du conseil de la Horde. Il s'agissait maintenant d'un ville-franche autonome, comme Âtreval. Cependant les Héritiers demeurèrent méfiants : un endroit pareil pouvait être une cachette idéale et une aubaine pour des loyalistes à Sylvanas désirant se faire discrets et oubliés quelques temps.


Les contrôles à l'entrée du village étaient en tout cas plutôt stricts, faisant perdre patience à Rok'hen Zula, zandalari accoutumée aux longues files d'attente pour accéder à une audience auprès du souverain de Zandalar. Cependant cette sécurité renforcée témoignait surtout d'une volonté de protéger le calme du village accueillant toutes les races, mortes ou vivantes. Et effectivement, en accédant à la place centrale, les Héritiers tombèrent sur un autre troll !

Ce Sombrelance nommé Zaïwe échangea quelques questions et réponses avec Shai'ri à propos de leurs raisons respectives de venir dans ce village reculé de Réprouvés, tandis que Sala'jin demanda à une réprouvée escortée par un elfe mort-vivant  où trouver de la savance locale. On leur indiqua les à-peau-dicaire à robe-noire, officiant dans le bâtiment d'à côté.


Sorte de féticheur adepte et gardien des secrets de sa tribu, l'apothicaire Sevros les reçut aussi cordialement qu'un mort-vivant le puisse face à une bande de trolls trop curieux. Les questions fusèrent en tout sens, parfois avec une maitrise de la langue orque très approximative obligeant le Réprouvé assailli à demander de parler moins vite et pas tous à la fois.

En se canalisant, le groupe apprit que si Caldora n'avait pas entendu parler de tribu Ombrecluse, elle avait néanmoins de bonnes raisons de croire que des mouvements de trolls avaient été recensés récemment dans la forêt des pins argentés.


Selon toute vraisemblance, ces trolls des forêts s'étaient installés dans les montagnes escarpées séparant la forêt des plaines de Hautebrande, plus à l'Est, non loin du lac Lordamere. Sevros indiqua l'emplacement sur la carte de Shai'ri tout en recommandant d'être très vigilants si les Héritiers s'écartaient des routes de la région, hors des sentiers et des patrouilles, des Worgens plus ou moins indépendants et plus ou moins sauvages continuaient de roder.

Le groupe devait s'équiper s'il voulait gravir la montagne dont les humains avaient renoncé à franchir les falaises rocheuses : les hauteurs étaient trop raides pour des pâturages et il n'y avait que peu d'endroits pour monter sans devoir faire de l'escalade. De plus les trolls devaient aussi préparer leur propre angle d'approche "diplomatique" avec ces cousins des forêts, pour éviter une nouvelle déconvenue comme celle qu'ils avaient essuyé dans les Maleterres.

Suivant les informations récupérées, les trolls se préparèrent à rallier les montagnes à l'Est des Pins argentés, indiquées par l'apothicaire. Faisant confiance à leurs grandes jambes et à leurs pieds préhensiles, ils décidèrent de tenter l'ascension sans équipement particulier. Mikhaïl avait éventuellement une idée d'un passage praticable - bien qu'abrupte - par le versant nord des monts, en partant de la mine du gouffre d'Elem, mais sans assurance que cela permette d'atteindre le sommet : il faudrait trouver un accès sur place par eux-mêmes car il n'y aurait aucun sentier tout tracé.

Le groupe discuta aussi rapidement des modalités d'approche de ces trolls. Zaïwe suggéra d'amener des offrandes en signe de respect et d'amitié, mais les Héritiers présents n'avaient pas grand chose à offrir. Montrer patte blanche en apportant des crânes ennemis sembla compliqué : il aurait fallu s'y prendre à l'avance pour chasser des Worgens ou des peaux-roses... ou des morts-vivants. Finalement il fut plus ou moins décidé d'aviser une fois sur place et d'y aller à l'instinct, en espérant que cette tribu soit plus ouverte et moins dangereuse que les Ecorchemousses des Maleterres.  


En passant près de la mine, encore en activité et gardée, les trolls discutèrent avec une surveillante réprouvée, cherchant à savoir si elle avait des informations sur des trolls vivant dans les environs - ou des Worgens qui pourraient servir d'offrande - mais elle ne s'intéressait qu'à ce qui se trouvait sous la montagne, pas au-dessus. Son poste était de protéger l'extraction de minerais, pas de mener des traques dans la région. D'ailleurs la situation était suffisamment instable depuis la perte de Fossoyeuse et des innombrables soldats qui avaient péri lors de la dernière guerre pour rendre la défense des Pins argentés difficile contre les Worgens renégats et autres bandits opportunistes. Des Worgens elle en avait repoussé beaucoup, mais là elle n'avait pas de carcasse d'homme-loup à leur offrir ou vendre. Cette visite de trolls cherchant des congénères sembla énormément la distraire et l'amuser tant ils sortaient de son ordinaire et lugubre routine. Elle leur indiqua toutefois qu'il y avait bien moyen de monter un peu à partir de la mine en suivant le lit d'un ancien ruisseau asséché.


Les trolls suivirent ce "chemin" en grimpant à travers pentes, les parois rocheuses et les goulets, prenant peu à peu de la hauteur. Ils parvinrent à un petit plateau dégagé, enchâssé entre des falaises. Dans cette combe montagneuse, cachette naturelle, ils découvrirent des petits campements visiblement en piteux états : quelques "tentes" sommaires de cuir mal tanné et de peaux probablement humaines, trop petites pour abriter des Worgens ou des trolls, avec quelques vieux restes et ossements. Quel genre de créature avait bien pu s'installer ici ?

La pluie et le temps avaient effacé toute empreinte au sol, mais Rok'hen Zula trouva une caisse pleine de crânes humains, sans défense et sans croc. Zaïwe tenta de communier avec l'un d'eux en rappelant son esprit à l'intérieur mais ce dernier avait été tué depuis longtemps, son âme embrouillée par cette intervention, il parvint uniquement à en tirer qu'il avait connu une fin brutale de griffes et de crocs, avant que l'instabilité de l'esprit ne rompe. Mikhaïl, qui avait fait un tour d'inspection pour assurer la sécurité, en bon guide, revint vers eux et expliqua qu'auparavant il y avait des gnolls dans la région - comme dans beaucoup d'autres des royaumes de l'Est. Il était probable que ce fut un ancien camp de ces bêtes avant qu'elles ne se fassent elles aussi happées par le Fléau, puis supprimées par les armées de la Dame Noire lorsqu'elle avait reconquis le libre-arbitre et le royaume.


Puisque les "bâtisseurs" de ces camps de fortune avaient depuis longtemps quitté les lieux, et n'allaient apparemment pas revenir de si tôt, les trolls décidèrent de faire étape à cet endroit pour la nuit avant de reprendre l’ascension le lendemain.

Le groupe se remit en chemin avec Mikhaïl, ayant repéré une voie praticable en suivant un versant dont la pente permettait d'escalader les rochers un à un pour gravir la montagne. Bien qu'il y eut quelques glissades, la majorité des trolls parvint sans trop de mal à se hisser lentement mais surement vers les sommets, au prix d'heures d'efforts. Là, le vent battait le pic montagneux, mais il n'offrait pas une vue centrale sur le reste de la région car le sommet, plat, entouré de crêtes sur certains côtés, recouvert densément de hauts résineux, semblait être un ancien cratère affaissé. Il offrait ainsi un refuge enclavé, restreint et peu commode, mais protégé par l'espace naturel et très discret.

En progressant prudemment dans ce vallon en altitude, les trolls aperçurent des signes de présence : ici un rocher gravé d'un symbole de serpent, là un tiki gardien placé dans les frondaisons d'un sapin. Enfin, nichées au centre d'une fosse enfoncée plus profondément au coeur du cratère, ils aperçurent les huttes de bois et de branches, parfaitement dissimulées dans leur environnement.

Évaluant de loin ce village miraculeux, restant en retrait sur le surplomb pour repérer le nombre de huttes, de trolls, la vie rythmant les lieux, le groupe se fit surprendre avant d'avoir pu s'avancer. Les locaux les prirent de vitesse et furent sur eux avant qu'ils n'aient pu se manifester ouvertement et tenter une approche.


Méfiants, chaque groupe se jaugea. La présence des intrus mit les autochtones en alerte, prêts à détruire tout ce qui pouvait menacer leur village. Les Héritiers tentèrent d'apaiser la tribu, clamant haut et fort venir en paix avant que leurs interlocuteurs n'en viennent aux combats. Cependant c'était surtout la présence d'un humain et d'un animal morts-vivants qui déplaisait à ces trolls : des aberrations qui pouvaient par leur seule existence corrompre la terre, les animaux, les chairs, les esprits. Les Héritiers s'interposèrent et expliquèrent que Mikhaïl était un Réprouvé qui ne cherchait ni la guerre, ni à répandre la peste, ils l'avaient embauché pour les guider dans la région. Mais devant l'implacable l'animosité des trolls locaux à son encontre, ils s'empressèrent de le congédier en lui payant son dû et lui conseillant de s'éloigner au plus vite pour éviter des échauffourées.


Alors seulement, les trolls descendirent tous ensemble dans le fond du gouffre abritant la tribu. Il s'agissait de la tribu Moabi-mojo. Sala'jin les avait déjà rencontré, mais dans les Hinterlands, bataillant contre des nains qui voulaient les chasser de la région. Celle-qui-voit, Vanhem et lui avaient participé à leur porter assistance, mais les Héritiers du makoa loa ne disposaient pas de beaucoup de combattants et lorsque la guerre avait mis la vieille prêtresse en danger, ils avaient pris la décision de quitter les lieux.

Pour Sala'jin, revoir cette tribu ici, si loin des Hinterlands était signe que les paroles de Celle-qui-voit avait trouvé écho chez quelques membres moabi-mojo. En effet, la vieille prêtresse avait plaidé auprès d'eux de sauver leurs vies plutôt que leurs territoires : une tribu survit, tant qu'il reste des trolls pour propager sa mémoire. Et ils étaient là. Ils avaient fui et dû abandonner leurs terres ancestrales, mais avaient survécu. L'ancien chef, Zulpac, était mort, mais sa fille avait autorisé Tan'tol a guidé une partie de la tribu jusque dans ces lieux loin des Hinterlands. Tan'tol avait eu une vision conférée par son loa : un nouveau chemin à suivre vers une nouvelle destinée.

Toutefois le prêtre Tan'tol, parole de leur loa protecteur principal, Tex'mojo, assura que celui-ci avait de la rancoeur contre les Héritiers, qu'ils avaient tourné le dos à des frères dans l'urgence et le besoin. Trik'we, Shai'ri et Ta'ka se défendirent contre cette accusation : ils étaient occupés en Norfendre à cette époque-là, combattant contre leurs propres ennemis et survivant eux aussi par leurs propres moyens : ils ne pouvaient être présents sur tous les fronts d'Azeroth à la fois.

Cependant le loa demandait le prix du sang, en signe de fraternité, de respect et de pardon pour son peuple qui avait péri sous les coups des nains. Devant l'insistance du prêtre, et les regards belliqueux des Moabi-mojo rescapés, Sala'jin se plia à cette volonté. Le Gurubashi n'avait sans doute pas envie que cette "rencontre" se finisse dans une cage, comme chez Ecorchemousses, ce n'était qu'une maigre offrande à payer pour maintenir la paix avec cette tribu. Et peut-être en son for intérieur, regrettait-il sincèrement de ne pas avoir pu sauver plus de vies trolles contre les peaux-roses envahisseurs et destructeurs.


Les autres Héritiers portèrent sur Sala'jin un regard inquiet tandis qu'il s'agenouillait devant l'autel et le prêtre Tan'tol. Ce dernier lui apprit qu'il s'agissait du loa père fondateur de cette tribu, une figure d'ascendance forte et emblématique, un peu comme l'était le loa oublié pour les Héritiers : si Tex'mojo lisait en eux et approuvait leur présence, aucun moabi-mojo ne pourrait aller contre. Le guerrier s'entailla la main au nom du loa et une appréciation générale parcourut l'assemblée moabi-mojo : "Du sang pour Tex'mojo !"

A la suite de cet acte sacrificiel, l'ambiance fut plus conviviale et les Moabi-mojo acceptèrent tout à fait leurs invités. Ils se prirent de curiosité pour ce groupe hétéroclite de trolls zandalari, drakkari et des jungles parcourant le monde en quête de réponses sur le passé. Les échanges et questions fusèrent dans les deux sens. Les Héritiers expliquèrent être à la recherche d'une tribu "ombrecluse" qui vivrait ou aurait vécu dans la région et aurait apprivoisé des tortues. Les Moabi-mojo acceptèrent alors de leur montrer les quelques fresques peintes sur d'anciens murs en partie effondrés.


Des ruines de temps anciens, bien avant l'arrivée des Moabi-mojo et peut-être même d'avant l'hégémonie des humains. Guidé par Tex'mojo, le parle-loa Tan'tol avait mené les siens à la redécouverte de cet ancien site spirituel. Qui sait si cette montagne avait un jour été surmontée d'un temple de province de l'empire Amani ou d'un ziggourat d'importance ?

Les Héritiers furent invités à inspecter notamment un bas-relief abîmé mais assez lisible où figurait un troll sur une tortue. Les Ombrecluses avaient-ils un jour habités ici ? Etait-ce un ancien sanctuaire d'importance pour eux ? D'autres figures d'animaux locaux étaient représentés, et les Ombrecluses n'étaient peut-être eux-mêmes que les lointains héritiers d'un ancien culte disparu ? Cette gravure permettait au moins d'affirmer qu'il y avait des raisons de poursuivre les recherches dans la région et redonna espoir : dissimulées ailleurs dans les hauts-plateaux ou falaises jalonnant la forêt des Pins argentés, à l'abri du regard des humains, se trouvaient peut-être d'autres ruines préservées et des traces des Ombrecluses.

Pendant ce temps, Rok'hen Zula avait reçu la curiosité d'un frère et d'une soeur de la tribu, qui s'intriguèrent des particularités zandalari et de la culture de Zuldazar tout autant que du concept d'un loa disparu. Elle fut conduite dans une hutte et bien accueillie au coin d'un feu réconfortant, ce qui lui permit même de faire démonstration du don de transfiguration lun'alai, pour le plaisir et la surprise des deux jeunes trolls des forêts. Quant à elle, ce fut les sacrifices de sang, encore largement pratiqués, qui la surprirent : le chef Zulpac n'était pas mort des mains des nains, mais c'était offert librement au loa Tex'mojo après la défaite finale, pour que celui-ci protège de toute sa puissance la tribu contre l'extermination et lui assure une survie. De telles offrandes n'avaient certes plus cour à Zuldazar...


Les Moabi-mojo offrirent finalement aux Héritiers de séjourner en sécurité dans leur village, et mirent à disposition une hutte, sommaire mais pratique, pour leurs invités afin de les protéger du vent et des nuits fraiches de la région à laquelle notamment les trolls des jungles et les Zandalari n'étaient pas acclimatés.

En quittant les montagnes des Moabi-mojo, les Héritiers repartaient avec plusieurs idées d'exploration et plus d'optimisme : bien que ténue, la piste de trolls ayant vécu ici se poursuivait dans les Pins argentés. Le groupe se remit d'abord à la recherche de Mikhaïl, le guide mort-vivant. Ils avaient bien besoin de ses connaissances de la région pour continuer d'explorer les zones en altitude et recoins hors des sentiers battus et comment y accéder. Le Réprouvé avait certainement reprit la grand route principale circulant du nord au sud de la zone, aussi les trolls empruntèrent-ils la route pavée.

Mais au bout de quelques kilomètres, au milieu des grands pins, ils remarquèrent sur le bas côté de la voie un tas d'os entre les feuilles et les herbes. Méfiants mais aussi inquiets, le groupe s'arrêta, surveillant ses arrières pour prévenir toute attaque. En approchant prudemment des gémissements plaintifs de la carcasse animale ossue, ils remarquèrent que la chose ressemblait clairement à la chienne morte-vivante accompagnant MiKhaïl. Ce dernier ne l'aurait jamais abandonnée ainsi !


Trik'we, Shai'ri et Rok'hen s'occupèrent de remboîter les côtes, fémurs et tibias de la pauvre bête disloquée incapable de se relever, tandis que les autres Héritiers montaient la garde. La créature avait clairement été jetée là par des assaillants. Aussitôt sur pattes la créature flaira une piste et emporta les Héritiers à sa suite, pour retrouver son maître. Plus loin dans la forêt, à l'écart de la route et des patrouilles, deux Worgens massifs éclairés d'un maigre feu étaient penchés, occupés à désossé Mikhaïl, parlant dans la langue des peaux-roses. Les hommes-loups, aussi grands que des trolls, grondèrent et claquèrent des mâchoires en sentant les Héritiers arriver à proximité, cherchant à les intimider. Mais le groupe, bien décidé à ne pas laisser le loyal guide forestier finir en pâté pour worg, ne se laissa pas faire et répliqua de plus bel, comptant sur leur force et supériorité numérique pour faire fuir les deux ravisseurs !

Les Worgens ne tentèrent pas leur chance face aux trolls, préférant détaler et retourner auprès de leur meute en abandonnant leur proie. Mikhaïl était encore (mort-)vivant mais ses deux mains avaient été arrachées, ainsi que sa mandibule inférieure, ne laissant qu'une langue pendante. Ne s'attardant pas sur les lieux, les trolls récupérèrent leur guide - ainsi qu'une de ses mains retrouvées par Shai'ri - et rejoignirent bien vite la route et la sécurité du Sépulcre.

Il fallut plusieurs jours aux apothicaires pour recoudre Mikhaïl, avec son ancienne main, une mâchoire colorée et offerte généreusement par Rok'hen Zula qui l'avait trouvée précédemment et une nouvelle main pour laquelle il fallait que le Réprouvé s'accoutume à la préhension. Dès qu'il fut en capacité de parler, les trolls lui demandèrent comment il s'était retrouvé dans ce pétrin. Il semblait que les Worgens rebelles refusant toute paix avec les morts-vivants aient repéré le groupe de trolls conduits par Mikhaïl. Le voyant seul, ils avaient profité de l'opportunité pour le capturer et l'interroger. Il était clair que ces hommes-loups craignaient que les Héritiers ne soient une aide envoyée par la Horde pour tenir la région contre les Gilnéens, et bien que Mikhaïl les ait démenti il fallait s'attendre à être suivi et espionné... ou pire. Le groupe décida donc de se montrer plus vigilant, avancer en formation défensive et surtout, ne pas se séparer pour quelle que raison que ce soit.

Puisqu'un esprit existait bien dans la source découverte par Ta'ka, Rok'hen voulait se préparer à attirer son attention. Elle n'avait plus exactement d'offrandes à donner, mais contrairement au Vénéneux qu'il avait été très difficile d'éveiller, celui-ci semblait plus accueillant. Peut-être une danse suffirait-elle cette fois-ci ?

Mais les esprits de l'eau ne dansaient pas de la même façon que les autres esprits de la nature. Celui-ci lui donnait déjà un rythme et la lun'alai pouvait donc improviser ses mouvements à partir de là. On put donc la voir dans la journée travailler la chorégraphie qui devait suivre la mélopée lancinante qui émanait de la source d'eau. Ses gestes étaient fluides et amples, son corps tout entier suivait ce courant, mettant sa souplesse à l'épreuve. Dans son ballet improvisé, elle cherchait à représenter le cycle de l'eau, qui de la source jaillissait au pied de la montagne, remontait au ciel pour pleuvoir sur les terres, infiltrant le sol et cascadant depuis les sommets.

Après ces exercices, elle dut reconnaître avoir soif. Malheureusement, elle ne souhaitait pas se servir dans la source, aussi pure soit elle, avant d'être entrée dans les bonnes grâces de l'esprit qui y habitait.

Vidéo de la chorégraphie qui m'aura inspiré la description de cette danse !

Ayant suivi les discrets appels d'une présence familière dans les vagues et des brises marines, et après un bref repérage, les trolls longèrent la côte, cherchant à rejoindre la lancinante complainte perçue par leurs parle-loas. Passant d'une vaste plage de sable à des falaises rocheuses plus difficiles à suivre, ils avaient fini par atteindre une crique étroite reculée, peut-être due à un ancien éboulement entre les rochers, et abritant une petite mare d'eau douce et pure.


Abrité par le cadre offrant une barrière naturelle difficile à trouver et franchir, l'endroit recelait une présence légère, discrète, comme endormie, mais intrigante. Aussi les mystiques du groupe cherchèrent à entrer en contact avec les esprits des lieux, percevant que cet humble étang était bien plus que ce qu'il semblait être de prime abord.

Au rythme d'un tambour, de quelques offrandes, de danses et de prières, les trolls tentèrent d'éveiller et attirer l'attention des esprits locaux pour qu'ils se manifestent, espérant y trouver la tribu Ombrecluse disparue. Malheureusement, bien que leur rituel agita progressivement les eaux de la flaque qui imprimèrent des ondulations à sa surface, tout ce bouillonnement de vie au creux de l'escarpement depuis longtemps abandonné, attira une autre présence.


Attiré par les vibrations, et surgissant du sol, un ver fouisseur de grande taille prit pour cible la joueuse de tambour et la danseuse, les projetant en arrière. Surpris, les trolls s'organisèrent malgré tout rapidement pour que le début de communion entre l'esprit de la mare et Trik'we, les mains dans l'eau, ne soit pas interrompu. Mikhaïl lança sa chienne morte-vivante à l'assaut tandis que Nefterys la trolllesse des sables incanta des malédictions à l'encontre de l'intrus importun.

Loin de se laisser impressionner, Shai'ri et Rok'hen Zula, habituées toutes les deux aux créatures gigantesques de Zuldazar, ripostèrent de concert en s'attaquant au corps à corps au lombric géant. Le groupe parvint à faire plier la créature et la trainèrent aussi loin du petit étang que possible, afin que les mucus suintants de ses plaies ne perturbent ni ne souillent l'eau.

Retournant ensuite auprès de Trik'we en transe profonde, ils constatèrent que leurs efforts avaient payé : auprès du jeune zandalari, les eaux s'étaient accumulées en un petit orbe aqueux ondulant qui prit une apparence semi-humanoide.


Venant de s'éveiller d'un long sommeil le loa de la flaque avait montré à Trik'we les perceptions de sa longue existence, où il coulait à travers toute la région, ses bras s'étendant à plusieurs endroits, ses lits parcourus par de nombreuses espèces trouvant refuge en son sein. Il était alors connu par les habitants en nombreux noms tels Arevass, Orpis ou encore la cascade fulminante. Mais la Peste avait irrémédiablement grignoté la vie, avait contaminé tous les lieux. Le loa avait résisté autant que possible, mais quand il comprit qu'il ne pourrait plus lutter contre ce mal, il se retira, préférant reculer que d'être entaché par la pourriture du Fléau. Depuis ce temps, ses cours s'étaient taris et il s'était réfugié ici, restant sain, mais affaibli, coupé de tout, plongeant dans une grande léthargie.

Quand les parles-loas l'interrogèrent sur la présence de trolls, il se souvint qu'alors que le Mal et la Corruption avait commencé à se répandre, des trolls sur des tortues de rivière, combattaient et vivaient encore dans la région. Tout comme lui, ils avaient fini par être confrontés à plus forts qu'eux, et avaient combattu jusqu'à la mort. Plusieurs étaient tombés dans ses flots entre le lac et la mer. Enlisés dans le limon et la vase à son embouchure, ils les entendaient encore, pleurant, appelant, chantant tristement.

A présent, la maigre énergie qu'il avait déployé pour venir à la rencontre de ceux qui, par la danse, la musique et les paroles avaient égayé sa retraite et son repos, commençait à décliner. Avant de retourner à l'état de mare, il confia aux trolls face à lui de petites gouttelettes de mojo très pur, des fragments de lui-même, pour les remercier de lui avoir rappelé ce que c'était de se sentir remuant et vivifiant.

Au lendemain de leur contact avec le loa des eaux - anciennement rivières tumultueuses, devenu modeste flaque - une pluie continue s'abattit toute la journée sur le bord de mer.

Sous le clapotis des gouttes du ciel et du ressac marin, les mystiques du groupe percevaient toujours le faible murmure lancinant d'une complainte familière. Ils étaient à présent convaincus qu'elle émanait des âmes des trolls ombrecluses, dont les corps mutilés avaient été emportés par les courants de la rivière jusqu'au rivage, perdus, ensevelis là par la vase quelque part en-dessous les vagues. Mais où ? Et s'il y avait des survivants, où se seraient-ils retranchés ?

Pour en avoir le coeur net, les parles-loas tentèrent de joindre leurs forces pour attirer à eux les esprits trolls chagrins alentours. Ils savaient à présent devoir appeler des âmes en peine et ainsi comment adapter un rituel dédié aux défunts, semblable à ce qui se faisait habituellement pour la Fête des morts. Y mettant toute leur conviction et concentration, dansant, versant leur sang, invoquant à voix haute et forte leurs lointains cousins à se manifester à eux, le groupe devint tel un phare illuminant l'obscurité de l'ambiance pesante et grise de cette journée nuageuse.

L'invocation rituelle leur coûtant beaucoup d'énergie et de mojo, ils parvinrent néanmoins à leur objectif : une silhouette éthérée, translucide et argentée, brilla comme un reflet de lune à la surface de l'eau noire de la mer. Vaporeuse, la forme était celle d'une trollesse, et les murmures, quoique toujours difficilement audibles, parvenaient aux oreilles de chacun.

Croyant recevoir enfin la réponse et la visite de survivants Ombrecluses, ou d'autres trolls des forêts, le spectre embrouillé parut soudain se méfier quand il découvrit devant lui des trolls d'autres origines. Sala'jin se présenta et mentionna immédiatement le nom de Vul'zin, vénérable et sage troll de la tribu Ecorchemousse, qui les avait aidé et envoyé à la rencontre des Ombrecluses.


Il fallut dans un premier temps la rassurer quant aux intentions des Héritiers, qui voulaient aider à pérenniser la savance des trolls, et apporter leur aide aux Ombrecluses s'ils le pouvaient. L'esprit hésitant semblait bien posséder un héritage qu'il ne voulait pas voir disparaitre, mais ne voulut pas faire confiance à ce groupe de trolls inconnus sans une preuve de confiance. Elle leur demanda s'ils étaient prêts à honorer la mémoire des Ombrecluses disparus sous les flots, les ramener sur la terre ferme, au sein de leurs chères forêts qui avaient été leur foyer. Ils étaient prisonniers de l'océan, dans un long isolement dans les ténèbres assourdissantes, et se languissaient du son du vent agitant les branches des arbres et de l'humus fertile émanant des odeurs de terre après la pluie sous un rai de soleil.

Sans hésiter, les trolls répondirent positivement à sa demande et Ta'ka s'avança pour plonger en suivant la silhouette spectrale. Dans la houle, par cette météo maussade, la mer était très différente de celle de Sen'jin et des îles de l'écho en Durotar : la visibilité fortement réduite par les eaux troubles. Tout en nageant et s'écartant de la côte, la changeforme perdit de vue l'âme ombrecluse, mais parvint à la retrouver dans des hauts fonds. Heureusement les "restes" des Ombrecluses défunts avaient échoué et glissé sur le plateau en pente douce, mais n'avaient pas sombré dans les profondeurs insondables des plaines abyssales de l'océan. Toutefois, la zone pleine d'algues ondulant au gré des courants était assez large et Ta'ka, sans ses mains trolles, ne pourrait pas fouiller facilement. Et il n'y avait probablement pas qu'un seul ossement à trouver... transporter un à un dans sa gueule lui demanderait un temps infini, même avec l'aide de Rok'hen Zula.

Voyant la trollesse fantômatique s'estomper, Ta'ka comprit que les parles-loas n'avaient plus l'énergie pour la "nourrir" et poursuivre l'invocation. Elle repartit vers le rivage pour faire part de sa découverte et son avis au reste de la troupe. Une fois  chacun avertit, il devint clair qu'il fallait organiser une opération sous-marine. Les profondeurs n'étaient pas un milieu très confortable pour eux, mais les trolls sauraient s'adapter à n'importe quel environnement.

Les Héritiers décidèrent de se reposer, et de se laisser le temps pour prévoir et préparer toute la mise au point nécessaire pour de la plongée. Zaïwe connaissait un sort pour prolonger leur capacité d'apnée, dont il avait déjà fait usage pour explorer le fond du lac du Nord. Néanmoins il faudrait de l'équipement pour s'éclairer et y voir à plusieurs mètres de profondeur, là où la lumière même du soleil pénétrerait peu. De même, les eaux de cette région plutôt septentrionale des Royaumes de l'Est, n'avaient pas les températures tropicales de Durotar, Zuldazar ou Strangleronce : à part la Drakkari du groupe, les trolls devaient songer à se protéger plusieurs minutes - peut-être plusieurs heures - de l'étreinte de cette mer en cette saison froide, s'ils voulaient éviter l'hypothermie. Il y avait bien sûr des questions pratiques : comment remonter les ossements et objets trouvés - sans risquer de les abîmer ou de les briser malgré qu'ils soient sans doute fragilisés par leur "séjour" sous-marin. Et comment communiquer sous l'eau sans parole (car l'eau ne permettrait pas de les transmettre) et avec une mauvaise visibilité ? Et puis il y avait les travaux manuels : construire une plateforme, un radeau auquel s’amarrer ou se relayer, car l'endroit étant loin du rivage, les allers-retours à la nage seraient trop difficiles et épuisants.

Ainsi, il y avait encore beaucoup d'aspects à ne pas négliger pour que cette expédition en mer soit un succès.

Après avoir retrouvé les ossements et reliques de membres de la tribu Ombrecluse et les avoir remis aux catacombes du village de la tribu Moabi-mojo, les Héritiers ont quitté les Pins Argentés pour se diriger vers l’Est, afin de rallier le village Vengebroche des Hinterlands (tribu alliée à la Horde et dotée d’un port pour quitter le continent). Le trajet nécessitant de traverser plusieurs régions, ne peut se faire d'une traite sans quelques haltes pour se reposer de la marche en journée. Les trolls ont ainsi atteint le village de Moulin-de-Tarren, contrôlé par la Horde, dans les contreforts de Hautebrande, ancien village humain, aujourd’hui occupé par des Réprouvés (à l’image de Caldora) et accueillant quelques orcs et voyageurs de passage.


Un feuillet en zandali a été laissé à l’attention de Sala’jin sur le panneau d’affichage communal : « À Sala’jin, j’ai bien reçu ton message et je vous ai cherché sans succès. Je vais rester dans la région quelques temps en espérant vous croiser, c’est la période d’hibernation pour Ur’zoa. O. »

Les paroles tournent en boucle dans ma tête. Je n'aurais jamais dû revenir dans cette région. La bile me tord le ventre, les souvenirs m'assaillent.




Centre de recherches d'Hiri'watha, Hinterlands.


- Le Mikhaïl, il a tenu sa parole. Et il nous a accompagné jusqu’aux Hinterlands. Que veux-tu faire à présent ?
- Je ne vais pas vous accompagner plus loin, Boris a son aile cassée, il faut que je m’en occupe. Et les trolls, même techniquement alliés, sont peu accueillants envers les Réprouvés. Mais le chemin est facile jusqu’au village des Vengebroches. Il suffit de suivre la route pour y aller, tout droit.

Qu'une saleté de mort-vivant « conseille » les meilleurs chemins à travers les Hinterlands, ça me donne la nausée. Comme s'il venait d'ici. Comme s'il était chez lui... Ce bastion séculaire où le peuple troll a repoussé durant des générations sa race de parasites pour qu'ils n'y étendent pas leurs royaumes.

Pourquoi l'ont-ils gardé à leurs côtés ? J'ai compris qu'ils avaient eu besoin de lui pour survivre dans l'ancien royaume humain. Mais ils auraient pu se débarrasser de cet immonde charogne dès qu'il n'était plus utile. Pourquoi s'être enchaîné à lui, même en dehors de son bercail ? Pourquoi prolonger les choses ? Ils apprécient sa compagnie ou quoi ?

- D’acc ! Merci pour ton aide, Mikahïl ! Et que le Boris se remette vite.
- Elle remercie le Mikhaïl. Qu’il fasse belle vie avec Sveltana !
- Merci pour tes bons conseils. Tu as été très bon guide.
- Merci pour ton aide, que le chemin du retour se fasse sans ennui.

Les remerciements pleuvent. J'ai envie de vomir. Ils le traitent comme un égal. Comme l'égal d'un troll.

- C’était qu’un travail au départ, mais ça a été agréable de faire un bout de chemin avec vous. Ça m’a changé. Merci pour la mâchoire. *tapote l’os de mandibule inférieure bariolée* Si jamais vous repassez dans les parages, ou que vous avez besoin que je vous envoie quelque chose de la région, hésitez pas à m’envoyer un message.
- Oui, oui oui !
- Il tâchera de faire passer les messages si besoin. On t’écrira. Bon retour à lui !

Ils lui décorent même sa sale face de mort-vivant avec des symboles trolls. Cette pourriture ambulante issue de la décadence d'une race qui nous a chassé de nos terres ! Dites-moi que c'est une ruse. Que vous vous servez de lui. Qu'il y a une bonne raison à toutes ces simagrées...

- Ah, avant que j’y aille… Voici la moitié de la paye, pour la livraison qu’on a prise à Moulin-de-Tarren. Comme convenu.
- Ah oui ! Mais je n’ai pas fait la moitié du travail, si ?
- On a fait le chemin ensemble. Je viens de remettre le colis à l'apothicaire, il a dit que tout est intact, le contrat était rempli.

Quoi ?! Mais c’est lui qui leur sert de guide ou c’est eux qui lui servent d’escorte ?! Non seulement ils fraternisent avec l’ennemi, mais en plus ils pactisent pour assurer le transport de je ne sais quelles armes ou fournitures à cet avant-poste réprouvé. Un avant-poste établi sur les ruines d'un ancien village troll...

Que contenait ce « colis » qu’ils ont participé à protéger ? Des produits pour détruire la flore locale ? Du chancre pour tuer les animaux... ou les trolls locaux ? Bande de traîtres... Et vous vous prétendez les hérauts du peuple troll ? Les « défenseurs » de la mémoire des trolls. Quelle blague !

- Voici la somme prévue, partagée équitablement. Je te la remets, puisque tu sembles être celle qui s'occupe des contrats et des finances.
- Je suis maintenant la… trésorière du groupe !
- Rok’hen fait sa gobeline !
- Ou plutôt sa Zandalari !
- Mais non les gobelins ils s’en vont avec l’or. Nous le gardons.
- Ça veut dire la même chose…
- Nuance subtile. Je n’attends pas que les autres tribus comprennent.
- En tout cas tu ne manqueras plus de rien pour les petits homards ! *amusé*

Je les regarde. Ils rient. Elle compte les pièces. Je vais la tuer. Je vais tous les tuer. Ils aident des morts-vivants à s'approvisionner sans se soucier de rien. Et pour quoi ? Pour de l'or ? Pour cette lubie stupide d'élevage de makruras qu'elle se trimballe ?

Je sens l'intégralité des poils de mon corps qui se hérissent. De dégoût. De colère. De rage.

- Tout va bien ?

Ta'ka s'approche de moi, me voyant fulminante et silencieuse à l'écart. Merde. Mon masque, au moins, dissimule la fureur qui crispe ma bouche. Si j'attaque maintenant, ils auront ma peau. Ils sont trop nombreux. Je ne vais pas leur faire ce plaisir. Calme-toi. Ils vont repartir chez eux. Et ne plus jamais remettre les pieds ici. Je me chargerai du mort-vivant, seul, quand ils seront partis. Je m’efforce à articuler en desserrant les dents.

- Ça ira mieux d’ici quelques jours.

Quand je n'aurais plus à subir votre présence.

- Tu continues la route avec nous ?

Je vais m'assurer que vous ne prolongiez pas votre séjour ici plus longtemps oui. Que vous dégagiez pour de bon. Et que vous ne profaniez rien de plus sur votre passage.

- Je vais vous raccompagner jusqu’à la falaise.

Je m’en veux tellement de les avoir laissé visiter les ruines près de la rivière. Ils ne sont pas dignes de confiance. Ils ne savent pas garder un secret. J’avais demandé de ne pas ébruiter la présence du vieux bougre qui vit là, afin d’éviter qu’il n’en soit délogé. Mais à la première occasion ils ont vendu la mèche à leur « ami » décharné.

Mais ça ne se reproduira plus. Je sais à qui j'ai affaire maintenant. Je vais veiller à ce qu’ils n’approchent d’aucun autre site. Les dévier de tout ce qui pourrait leur donner envie de rester.

- Il y a une large enceinte pas très loin. Tu sais à quelle tribu ça appartenait ?
- Ces lieux sont… étaient sur le territoire des Fanécorces.
- Et les Fanécorces, pourquoi ils ont quitté ces lieux ?

Question idiote. Réponse idiote.

- Parce que les nains et la Horde les en ont chassé. Tu crois quoi ? Qu’on se réveille soudainement un matin, lassés des forêts et qu’on s’en va par envie de voir ailleurs ?
- *baisse les oreilles* La Horde elle écrase, elle se croit tout permis.

Apparemment ça ne vous empêche pas de collaborer avec et de dormir sereinement. Je hâte le départ. Autant se débarrasser d’eux au plus vite, que je puisse rattraper le mort-vivant pour le faire taire à tout jamais. Il n’est pas difficile de détourner leur attention des murs affaissés de villages, abandonnés ou occupés, tant la Zandalari est obnubilée par la « forêt mystique ».
 
- Mikhaïl a dit…
- Hum ?
- …le deuxième croisement avec la grosse pierre, mène au chemin de la forêt au Grand Arbre.
- La Rok’hen cherche quoi ?
- Du bois pour se faire une nouvelle arme.

J’essaie de l’avertir et leur faire reprendre la route vers l’Est. J’ai pas de temps à perdre avec cette idiote. Cet endroit il faut l’éviter autant que possible. Il y a là-bas des créatures protectrices qui sommeillent. Et si on les réveille… elles peuvent surgir et tuer un escadron entier de trolls entrainés. Ou bien te laisser repartir puis gratter dans ton esprit chaque nuit jusqu’à te rendre fou. Te maudire jusqu'à la fin de tes jours.

- La clairière de l’arbre-géant elle est dangereuse. Personne ne doit s’y rendre sans protection. Sans raison valable.

Mais elle s’entête.

- On m’a dit de chercher dans ce bois oui. Honnêtement, je n’ai pas besoin de ça pour une simple lance. Mais si c’est un bois magique, je veux y aller.

« On » étant « Mikhaïl ». Elle préfère se fier à un mort-vivant qui n’est pas originaire de la région ? Qui ne connait RIEN aux loas ? Très bien. Dans ce cas, qu’elle y aille.. qu’elle prenne le risque et qu’elle disparaisse dans sa « forêt mystique ». Bon débarras.

- C’est vrai qu’après tout, tu es une parle-loa alors… tu sais certainement comment t’y prendre… si tu veux tenter ta chance...

Elle mord à l'hameçon. Il suffit de la flatter pour obtenir ce qu'on veut d'elle.

- Bien sûr ! Je suis une lun’alai. Je sais parler aux forêts. Je veux savoir comment sont les bois aux esprits, ici.
- Ça pourrait être dangereux pour la Rok’hen si les Loas, ils décident de la mettre à l’épreuve. Et nous on pourra rien faire en restant de l’autre côté du pont.

Non, ne la décourage pas. Laisse-la, cette Zandalari prétentieuse, si sûre d’elle. Avec un peu de chance, elle disparaitra sans même un bruit.

- Très bien. Je traverse. Je vous confie mon tonneau. Attention à ne pas le renverser.
- Je t’accompagne.

Mais non ! N’y vas pas ! Laisse-la plonger dans les problèmes toute seule !
Rien à faire. La petite Drakkari se précipite aux côtés de la Zandalari. Erf. Je ne peux pas la retenir sans trop dissuader l'autre. Elles traversent le pont et passent sous l'arche qui sert d'avertissement à tout troll ayant deux brins de jugeote.

- Je vais nous installer un coin pour camper. On les attend jusqu’au matin et on se remet en route ?
- Tu penses que ça sera si long ?
- Disons que c’est pour se fixer une limite. Si elles ne reviennent pas d’ici demain matin, on reprend le chemin.
- Comment ça « si elles ne reviennent pas » ? Elles vont revenir.
- Si tu le dis.
- Pourquoi elles ne reviendraient pas ?
- Oh je sais pas… peut-être parce qu’elles auront fait une mauvaise rencontre ? Nos parles-loas ne s'aventuraient là-bas que pour récupérer des écailles tombées au sol, infusées de puissant mojo. Mais les créatures dont elles étaient issues nécessitaient une escorte de trolls prêts à se sacrifier pour permettre à quelque uns d'en réchapper et rentrer au village avec le précieux ingrédient.
- Quoi ?! Pourquoi t’as rien dit ? Elles sont en danger !
- Elles ont choisi d’elles-mêmes d’y aller, selon les conseils de votre « guide ».
- Tu les as laissées y aller !
- C’est pas une grande perte. Comment vous avez fait pour trouver pire que Bratac ? Je pensais pas que c'était possible.
- Echu’ta ! Ojanka tu fais chier ! Je vais les chercher !
- Non ne fais pas ça ! Tu risques d’être touché toi aussi !

Trop tard. Sala’jin court déjà pour traverser le pont à grandes enjambées, disparaissant de l’autre côté. Quel imbécile ! Il est vraiment prêt à risquer de tomber nez-à-nez avec de dangereux loas lui aussi, juste pour une Zandalari insupportable ? Je suis navrée pour la perte de la petite Drakkari mais elle n’avait qu’à pas faire le mauvais choix…

Pourquoi s’échinent-ils tous à me mettre sur les nerfs ? A transgresser tout ce qui est sacré, à piétiner la culture locale, à n’en faire qu’à leur tête ?

Ta'ka regarde avec anxiété en direction de l'arbre-géant qui nous écrase de sa hauteur. J'ai envie de tout envoyer valser. Mes haches s'abattent à un mètre d'elle, déchiquetant les lattes de bois de la couveuse à makruras. L'eau gicle au sol, abreuvant la terre. Je relève mes haches au-dessus d'une des bêtes qui glisse dans l'herbe, mais Ta'ka se précipite et me retient les bras. L'expression de ma rage, contenue, retenue dans les gestes, fuse par ma bouche.

Finalement, ils ont beau s’en défendre, ils sont exactement comme la Horde. Vous critiquez, mais vous employez les mêmes méthodes. Vous prenez ce que vous avez envie de prendre. Comme si ça vous appartenait par défaut. Vous n’avez de respect pour rien.

Vous n’avez aucun scrupule à vous acoquiner avec les pires races, parce que vous avez une « mission ». Vous vous fichez des tribus asphyxiées par vos précieux « alliés et amis », convaincus d’être dans votre bon droit, au nom d’un soi-disant « intérêt supérieur du peuple troll ».

Vous êtes comme les Zandalari. Vous êtes comme les Vengebroches. D’ailleurs c’est pas étonnant que ces deux tribus elles aient pactisé avec les morts-vivants et les elfes. Je vous déteste. Je vous hais. Comme tous les autres trolls qui s'abaissent à servir leurs anciens ennemis, sous prétexte de survivre. Mais c'est juste une excuse que vous vous racontez pour justifier de faire les mange-fions avec la Horde.

Vous vous mentez à vous-même. Vous vous prétendez bienfaiteurs mais vous êtes dévorés par votre égoïsme. Vous croyez voyager pour chercher la « savance », mais ce n'est qu'un moyen de donner une raison d'être à votre misérable existence. Vous croyez faire ça pour le peuple troll, mais en réalité c'est uniquement pour vous que vous êtes là. Pour vous prouver que vous avez une utilité, un rôle à jouer, alors que vous êtes la honte de tous nos aïeux réunis. Vous vous prenez encore pour des trolls ? De ce que je vous ai vu fricoté avec un humain cadavérique, vous n'êtes même plus dignes d'être appelés ainsi.

Et vous savez quoi ? J'espère que ce message crypté lié aux trolls des forêts, vous ne le dévoilerez jamais. Quoi qu'il renferme, je prie pour que vous le ne décodiez jamais. Parce que vous ne le méritez pas. Vous n'êtes pas dignes d'être les gardiens des secrets anciens. Vous n'êtes pas dignes d'être les héritiers des sagesses d'antan transmises par mes ancêtres. Vous n'êtes qu'une bande de crétins trop bouffés par leur arrogance pour se rendre compte qu'ils se sont avilis.