Héritiers du makoa loa

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 Le noir bourbier [Jikkan]

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Trik'we

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Rôle : Parle-Esprit

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MessageSujet: Le noir bourbier [Jikkan]   Le noir bourbier [Jikkan] Icon_minitimeMar 20 Aoû 2019 - 0:06

Le noir bourbier [Jikkan] Original Le souffle éthéré de la nuit emporte avec lui l’haleine nauséabonde du marais. 
Même dans la tranquillité, Nazmir respire le danger. Le ronronnement lugubre des bêtes se tapissant dans ses entrailles se mêle à l’écho sinistre du clapotis de l’eau. L’habitude a appris à Jikkan à ne plus prêter attention à cet orchestre funèbre sans jamais oublier sa présence pour autant. Debout dans le bourbier qui le dévore jusqu’au mollet, il le sent pulser doucement sous lui.
Le gémissement de la surface d’un liquide qu’on éclate soudainement lui glace les os. Instinctivement, sa main glisse jusqu’au manche de son arme. Il devine l’assaut venir mais il le surprend quand même. Quelque chose grimpe sur sa jambe. Une main squelettique se referme sur son genou. Ses pupilles ont juste le temps de se réduire en simples fentes avant qu’on ne le tire vers les tréfonds. Ses ongles se figent dans la boue, grattent la terre, s’accrochent à la réalité. Mais même le sol semble être devenu liquide. Bientôt, il est avalé tout entier par les marécages.
L’eau est plus profonde, plus noire et plus dense qu’elle ne devrait l’être. Jikkan étouffe avant même que l’oxygène ne quitte complètement ses poumons. La pression est insoutenable, mais ce qui l’est encore plus, ce sont ces doigts sans peau ni chair qui s’agrippent à son corps. Ils le lacèrent, le déchirent, le disloquent, et la douleur semble être plus interne qu’externe. Le jeune troll ferme les yeux pour ne plus voir tous ces crânes déformés par les supplices de la mort l’escalader jusqu’à son visage. Ils rugissent à l’unisson le même mantra dont il ne comprend pas le sens. L’équivalence. L’équivalence. Tu me dois l’équivalence. L’effroi le prend par les tripes. Jikkan finit par hurler à son tour.

Et puis le silence.

L’eau s’est tellement alourdie qu’elle semble être devenue terreuse. Les parois molles et asphyxiantes enlaçant le jeune troll se contractent, comme un estomac lors d’une digestion difficile. Une impression oppressante traduisant le moment imprécis où la conscience du zandalari cherche à reprendre une grande inspiration sans trouver l’air nécessaire pour remplir ses pensées. Ses yeux tentent de s'accrocher à quelque chose de concret pour le tirer hors du brouillard inintelligible dans lequel il est en train de me noyer. Une masse humanoïde est enterrée à côté de lui. Jikkan lève la tête vers son compagnon de cellule. Un visage mort. Son visage mort. Et toujours cette même phrase aux lèvres.


L’équivalence. Tu me dois l’équivalence.


Le noir bourbier [Jikkan] Source « C’est un rêve. Pas une vision. »
Rak’Khan termine de disposer soigneusement ses bougies devant le sanctuaire sans accorder un seul regard à Jikkan. Il joue avec sa patience, tire sur ses nerfs tendus pour leur faire fredonner la mélodie de l’irritation jusqu’à ce qu’ils cèdent dans un claquement de fureur. Il ne lui accordera pas cette satisfaction. Le zandalari sent sa mâchoire se compresser pour tenter d’écraser sa frustration entre ses défenses.
« Et la différence, vous la faites comment ?
- Si la question tu te la poses, c’est bien la preuve que tu n’as jamais rien fait d’autre que rêver. »
Le jeune troll laisse ses sourcils tomber lourdement contre ses yeux polaires. Sa réplique roule vivement sur sa langue :
« Un rêve, c’est une suite d’images élaborée par notre inconscient afin de générer le fantasme d’une expérience convoitée ou redoutée. Une vision, c’est une représentation mentale offerte généreusement par les grands esprits afin de nous prévenir d’une vérité concrète ou abstraite. L’une est transformation de la réalité, l’autre sa figuration. »
Jikkan est une âme asséchée par une logique exacerbée. Ça ne rendait pas sa perception de l’intangible moins pertinente. Pas toujours du moins. Le prêtre nazmirien sourit.
« C’est mieux. »
Sa main s’enfonce dans sa besace pour en extirper de l’encens, ses yeux ne semblant toujours pas disposés à daigner reconnaître la présence du dévot derrière lui. Dans ses viscères, Jikkan sent son égo remuer fébrilement. Son amour-propre a la nausée.
« Ce que mes sens ont ressenti, c’était bien trop vrai pour être le simple fruit de mon imagination. J’en ai pas assez pour être capable de me jouer ce tour là.
- Tu rêves toujours de devenir Prélat ? »
La question et l’insinuation cachée derrière lui font rater un battement de cœur. Il entend sa propre bouche répondre à mis-mot.
« Les Loas pensent que là n’est pas ma place. Je respecte leur jugement. »
L’autre hoche la tête.
« Si ta place, t’en es conscient, alors qu’est-ce que tu fais ici à me parler de tes rêveries avant ma prière ?
- Je suis là parce que c’était peut-être pas de simples hallucinations. Justement.
- C’est le principe d’un rêve : tu crois qu’il est réel jusqu’à ton réveil. Et toi, tu rêves éveiller Jikkan. T’as la tête levée vers le ciel et ça t’empêche de voir ce que t’as en face. Ta condition, plus tu te débattras pour t’en défaire, moins tu la comprendras. Et moins vite tu t’en libéreras.
- Rester à ma place, ça ne m’empêche pas de garder une oreille alerte aux murmures. »
La robe du vieux troll émet un léger froissement lorsqu’il se tourne enfin vers lui pour goûter à la résolution de son regard. Les iris ternies par l’âge s’accrochent aux cicatrices zébrant son visage quittant à peine l’adolescence. Elles ne s’étaient toujours pas refermées. L’affrontement contre les trolls de sang remontait à trois jours.    
« T’as pas droit à ce qui est naturel pour nous autres et tu te sens humilié pour ça. Mais ce que t’as pas compris, c’est que c’est une leçon d’humilité, pas une humiliation. »
A bien y réfléchir, ce que Jikkan détestait le plus chez les fidèles de Bwonsamdi, c’était leur fatalisme. Cette doctrine selon laquelle le cours des événements échappe à l’intelligence et à la volonté des vivants. Dans le contrat de l’existence, notre rôle est de traverser les écrits tracés pour nous à l’avance jusqu’à l’arrivée du point final. Alors seulement la nature de notre attitude face aux épreuves imposées déterminerait la douceur de notre mort. Pour Rak’khan, Jikkan était de ceux qui cherchaient à fuir sa propre chair. Submergé par des sables mouvants, son agitation l’enfonçait encore plus dans ce qui faisait hurler son âme de douleur. Et aujourd’hui, il prouvait une nouvelle fois qu’il n’était pas disposé à creuser autre chose que la tombe de son propre avenir. C’était aisé pour lui d’arriver à cette conclusion. Un fardeau semble toujours léger sur les épaules d’autrui.
« Pourquoi ? demande le jeune troll, et il verse chaque once de désarroi traversant son corps sur cette interrogation. Pourquoi parmi tous les zandalaris je suis celui qui devrait subir les conséquences de l’arrogance ?
- Ce vieux prêtre, il se souvient du petit trollion que tirait ta ma’da par le poignet et de la figure qu’il posait sur le Traitre pendant qu’il discourait. »  
Nous y voilà. L’estomac de Jikkan se tord tandis qu’il devine la conclusion s’apprêtant à lui étreindre la gorge.
« Je ne suis pas devenu mes parents.
Rak’khan le fixe et son expression est tempête de mépris.
- Et pourtant, il faut bien que quelqu’un paye. »
Ils se regardent tous deux par-delà le blanc des yeux et le jeune troll jure d’y avoir déterré de la colère. Il se souvient parfaitement de cette histoire. Celle qui raconte que le dernier souffle de la petite fille du vieux prêtre avait été pris par les Partisans. Ce soir comme beaucoup d’autres, ce n’était pas le jugement implacable des Loas qui le condamnait. Juste celui de ses pairs. Il sent le fatalisme nazmirien qu’il vilipende tant le contaminer lorsque ses épaules retombent mollement.
« Pars maintenant. »
Et c’est ce qu’il fait. Il rassemble ses affaires, annonce son départ et entreprend sa longue marche vers Dazar’alor. Il doit revoir Pokan. Il avait passé trop de temps parmi les morts, leur putréfaction et leurs gardiens sépulcraux. Son frère a toujours été un bon vivant. Côtoyer un trop plein de vie est le remède qu’il lui fallait. Il allait l’enlacer, l’engueuler, le choyer et le gronder.

Alors seulement peut-être se rappellerait-il pourquoi tout cela avait du sens, finalement.


Le noir bourbier [Jikkan] Tumblr_ovf1b5uq3J1to4qtto1_400 « Que les Loas veillent sur toi. »
Jikkan s’incline. Assez bas pour être plus respectueux que poli. Comme toujours lorsqu’il fait face à un troll de foi.
« Que les Loas continuent de guider vos pas. » répond-t-il machinalement. C’est pas comme si ses bénédictions à lui étaient réellement porteuses de sens.
Une inclination de la tête plus tard et chacun repart fouler sa propre route.

Et puis, pour la première fois, Jikkan la sent.

Elle prend la forme d’une fine fumée bleutée, si froide et pourtant si chaleureuse. Elle enlace son bras pour serpenter jusqu’à son visage, et le jeune troll ignore s’il peut réellement la voir ou si ce sont les ondes de son esprit qui entrent en harmonie avec son hymne. Elle se mêle au soupir de sa respiration pour s’engouffrer dans ses poumons, s’insinuer dans son sang, entrelacer ses muscles, insuffler force et vigueur. La surprise le fait cligner frénétiquement des yeux et la glace de son expression impassible fond pour laisser place au rayonnement de l’espérance. C’était donc possible. Cette fois il ne rêvait pas. Elle était en elle : la présence d’un Loa. Jikkan se tourne vers la silhouette qui s’éloigne.

Une vieille prêtresse aux cheveux cendrés.
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