Héritiers du makoa loa

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 La chute

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Trik'we

Trik'we


Rôle : Parle-Esprit

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MessageSujet: La chute   La chute Icon_minitimeDim 6 Sep 2020 - 0:27

Il n'y a rien à craindre de
la chute
Je les conduis jusqu'à la cime de la Terreur, là où les hauteurs acérées de Zuldazar viennent érafler les nuages. Le plan physique tend ses doigts verdoyant d'arbres, de lianes et de mousses vers la vapeur métempirique du plan spirituel. Transcendance du ciel et solidité de la terre n'ont jamais été aussi proche qu'en ce lieu sacré. J'approche le jeune troll du rebord et n'ai pas besoin de l'inviter à contempler le paysage étendant la richesse de sa flore sur la voûte céleste. L'envoutement du lieu l'influence et s'infiltre dans ses sens. Elle aide son esprit à flotter le long des rochers, glisser sur les racines des montagnes, voltiger au-dessus des vagues, onduler sur le sable et s'évaporer dans l'azure. De là où nous sommes, l'immensité du monde pourrait passer pour petite, inoculant l'illusion de grandeur. J'observe la façon dont ses yeux d'enfant sont naturellement guidés vers les points culminants de tout ce qu'ils rencontrent durant leur voyage. Une force le tire, l'étire et l'attire vers le haut. J'incline la tête en signe d’approbation. Ses neuf frères et sœurs s'alignent derrière nous. Docilement pour le moment. La situation ne plait pas à la majorité des visages mais tous se doutent du prix de la contestation. Drez'khan maîtrise bien son apparente impassibilité, mais ses bras croisés barricadent solidement son appréhension contre son cœur. A côté, Rokutash enferme ses crocs derrière une mâchoire compressée par la frustration qui enfume ses veines. Ziz'khu l'attrape discrètement par la main dans sa fausse innocence. Elle sait très bien ce qu'elle fait tout comme elle sait parfaitement ce que son frère se retient de faire. Ne pas maîtriser mes intentions d'étranger, voilà ce qui dérange la douceur de ses traits calculés pour être sereins. Tout est une question de contrôle dans cette famille. Il se rangent sagement, l'un après l'autre, derrière les pôles opposés incarnés par les deux aînés. Glace et magma. Je les scrute et même le flegme trompeur de Poh'kis ne parvient pas à me duper. Ils savent tous que la punition arrive.

« Ta bête, appelle-la.
- Le Pe’tri, il est trop loin, il ne m’écoutera p- »

Je n'ai pas le temps pour les doutes.
« Si ce pterreurdactyle ne reconnaît pas ton sifflement à son âge, lui et moi n’avons rien à faire avec toi. Appelle-le, ce n’est pas une demande mais un ordre. Commence à les entendre. »

Il se fige comme un soldat de plomb mais finit par s'articuler. Sa main est portée jusqu'à ses lèvres. Un sifflement affreusement monotone jailli timidement, chuintement d'un oisillon quémandant sa nourriture à qui voudra bien de sa fragilité. Ma main à la vivacité d'une serre saisissant sa proie et le son l'âpreté d'une gifle. J'écrase ses joues entre mes doigts et tourne son air stupéfait vers moi. Derrière, je sens une suspicion froide décroiser les bras de l'un et préparer les muscles pour l'action de l'autre. Ma seconde main s’élève pacifiquement pour les apaiser en plein vol. Je soulève le menton du jeune et découvre la tendresse de sa gorge palpitante d'énergie inexploitée.
« Visualise Pa’ku gonfler tes poumons jusqu’à ce qu’ils se craquellent. Son haleine passer par ton cou et rentrer dans ton ventre pour se mêler à tes boyaux. Ce cri, il doit venir de tes tripes et du courage qui y habite. Pa’ku et ses enfants, ils ont du caractère. Leur tempérament est versatile mais puissant. Ils n’écoutent que les voix imprégnées du même air. Ceux qui hurlent leur volonté d’élever leur esprit toujours plus haut et plus proche du savoir sacré de la Reine des Cieux. On dit que ceux qui parviennent à transformer leurs expériences en témérité et leur témérité en sagesse sont invités à animer le souffle de Pa’ku à leur trépas. Ne pense pas à ce que tu attends de ton pterreurdactyle lorsque tu siffles. Le vent, il n’attend rien du monde pour souffler quand il le doit. Pense à ce que tu veux toi pour toi-même. Quand il est question de se grandir l’âme, ne demande pas et ne reçois pas. Choisis et prend. Pe’tri, c’est cette résolution que son respect attend. »
Je ne le lâche pas avant de le voir acquiescer. Il fait à nouveau face à l’océan encerclé de montagnes et ferme les yeux. L'inspiration enivrante qu'il prend est plus profonde qu'un soupire, plus intense qu’une inhalation méditative. Pa'ku pousse sur sa chair, dilate son intériorité, ouvre des parts de lui-même closes. Puis il relâche tout. Un chant lent, strident mais mélodieux, glisse dans l'atmosphère, recouvre peu à peu le ciel. Le jeunot est surpris par la puissance de sa propre voix amplifiée par le souffle du Loa. Je connais bien cette impression te disant que tes tympans vont exploser. Il se bouche les oreilles sans pour autant s'arrêter, les yeux plissés mais le regard enjoué. Ça manque de raisonnante mais ça suffit pour le moment. Assez pour ramener au-dessus de notre tête sa bête qui n'était pas si loin qu'il le pensait. Pe'tri plane en cercle, appelant le troll à son tour avec son hurlement à lui. Le petit tourne un sourire ravi dans ma direction. Je l'attrape par l'épaule et le présente à sa fratrie comme s'ils découvraient leur cadet pour la première fois. J'entre dans l'éloquence de ma fonction et articule ma leçon.

« Les Loas ont montré à nos Rois la perfection du système des caste. Une pareille institution est le seul moyen que la prudence la plus clairvoyante ait pu inventer pour maintenir la civilisation et la cohérence chez les trolls belliqueux. Il n’est permis à personne d’être inutile à l’Empire. Chacun a son rôle à jouer, choisi avec raison par les Loas en fonction du potentiel qu’ils perçoivent dans nos âmes. La vôtre comme la mienne a été sondée. Leur décision, elle ne doit jamais être remise en cause. Nous marchons ensemble dans un même corps où chaque membre œuvre pour la survie du tout. » J’énonce des évidences comme s’il s’agissait d’un simple protocole. Je pivote vers le jeune troll. La dévotion de son regard me rappelle que j’aimais mes élèves, autrefois. Aujourd’hui, je les vois comme des bêtes à dresser. C’est ma façon de me préserver des moqueries du vieux Bwonsamdi lorsqu’il moissonne le ciel. Ils meurent jeunes. Trop pour connaître le point culminant de l’élévation et rejoindre le souffle de Pa’ku. Je relève le menton, solennel, et reprend.  
« Il arrive parfois qu’un oisillon grandisse dans le mauvais œuf, trop petit et trop étroit pour étendre les ailes de son plein potentiel. Il en convient à nos prêtres de les repérer pour les aider à porter notre tribu vers la gloire. Ce jeune a été choisi par un pterreurdactyle. »
Mes doigts desserrent leur prise sur son épaule pour s'étendre sur son coeur. Il n'a pas compris pourquoi il est si proche du précipice.
« Demandons maintenant l'avis de Pa'ku. »

Un geste suffit pour le pousser dans le vide.

Trik'we a le temps de voir les mains de ses frères et sœurs se tendre vers lui dans un réflexe désespéré. A cet instant, leurs cris l'horrifient plus que le déséquilibre qui détache ses pieds du sol. La panique accroche ses yeux à la sécurité qu’incarne Drez’khan. Il a une expression qu’il pensait interdite à son visage. Leur effroi disparait derrière la montagne et il ne lui reste plus que le vertige.

J’immobilise Rokutash avant que la rage qu'il projette sur moi dans un coup de poing furieux n'atteigne sa cible. Il continue de résister et l’intelligence de ses mouvements m’indiquent que quelqu’un lui a appris à se battre. Je lui rappelle fermement ma caste en le mettant face au professionnalisme de mes mouvements à moi. Les autres le récupèrent, le retiennent, craignent que lui aussi je le donne à manger au vide. Ils ne devraient pas. Je ne suis pas un meurtrier, je suis un pédagogue. Si tout ce qui s’élève finit toujours par retomber, je n’en retire aucune satisfaction. Ils s'agitent, fulminent et pleurent. Et moi j'attends.

Puis un sifflement survenu du fin-fond d’un instinct plongé dans la tourmente. Hurlant son envie brûlante d’apprendre à vivre. Perçant le chaos.

Je souris. Celui-là a réussi. Pa’ku est satisfaite, elle aussi. Son enfant plonge en piqué récupérer celui qui vient de devenir son chevaucheur. L’orage l’a traversé et un nouveau troll a émergé. Je l’ai jeté du haut de la cime et il aurait pu passer les dernières secondes de sa vie à me haïr pour ce défi. S’apitoyer pathétiquement sur son sort en brassant l’air autour de lui sans savoir quoi en faire. Se nourrir du vent passivement sans jamais agir volontairement sur lui pour se sauver. Il aurait pu se battre contre l’ennemi tout désigné que je représente, s’empêchant d’accepter sa propre responsabilité dans ce qu’il est en train d’endurer pour me pointer du doigt et avouer ainsi sa faiblesse de proie. Croire que l’origine de son malheur et de son bonheur est à l’extérieur de lui-même, dans le creux de la main de cet autre qu'il haït et aime selon l'instant. Au lieu de ça, il a volé de ses propres ailes. Il a écouté ma transmission de l’art du sifflement des Paku’ai et a consommé l’expérience avec conscience. Il a dérivé, hésité, chuté, mais jamais renoncé. Il n’appartient pas au monde, il appartient à lui-même. D’objet ballotté, il est devenu sujet virevoltant. Il a rééquilibré son cœur pour observer les événements sans se laisser happer par leurs divagations tempêtueuses. C’est notre propre maîtrise de l’esprit, à nous autres. Chaque défi est porteur de révélations sur nous-même, même si nous ne comprenons pas toujours la force à tirer de nos douleurs. Et lorsque nous nous posons la question du sens de ce que nous vivons, que nous y trouvons une réponse, alors nous venons d’accepter que tout a été parfaitement choisi par les Loas pour notre élévation. Peut-être, seulement peut-être, que Pa’ku nous invitera à voler au plus près d’elle le jour de notre terme.

Derrière moi, les cris endoloris du jeune troll grimpent le précipice. Sa bête n’a pas la minutie des domptés. Elle a dû lui déboîter quelque chose. Que cela ne tienne, ce sera la première fracture. D’autres le briseront, le testeront, éprouveront la résistance de son corps jusqu’à ce que son esprit comprenne qu’il faut plier son être et non le figer. Suivre le mouvement insufflé jusqu’à devenir soi-même courant d’air, irrépressible car ne s’immobilisant pas dans une forme fixe, acceptant que les Loas n’ont jamais terminé leur enseignement dilué dans l’expérience de la vie. Je vais le prendre sous mon aile et il lui apprendre à reconnaître le bien dans le mal que je lui inflige. Parce que lorsqu’il sera capable de remercier les fils et filles de cagole d’en face, il réalisera que leur présence et leurs actes sont uniquement là pour réveiller ses souffrances et ses failles. Il prendra humblement conscience que sans ces maîtres détestables, il n’aurait jamais pu réveiller son ombre et donc éveiller sa lumière. Il est facile d’être vu en plein jour, mais notre feu gaspille son éclat et sa chaleur. C’est la longue nuit qui montre l’intensité authentique de nos braseros. Je vais le détruire, encore et encore, pour l’observer se réassembler dans un esprit nouveau. Plus grand et plus proche du ciel et de sa sagesse, de ses nuages formés par les circonstances de l’atmosphère. Ce sera sa première leçon de chevaucheur et sans doute la plus importante.

Il n’y a rien à craindre de la chute quand on sait qu’on remonte toujours en selle.


_______


« Ils disent que l'attaque, elle vient du port.
- Retourne sur ta monture. Immédiatement. »


Je le regarde avec toute la fermeté naturelle à mon visage et il me répond avec une lueur de défi. Je le relève sans sourciller. Ce n'est pas le premier oisillon à travers lequel Pa'ku teste l'esprit pédagogue dont j'ai la prétention de raffiner les aptitudes.

« Là-bas, y’a ma famille..., marmonne-t-il. Vous aviez dit au Trik'we que la sueur versée par ses frères et sœurs, on la leur rendrait avec notre sang. Qu’on serait le bouclier qui encaisse et l’épée qui pourfend. Qu’on endurerait et mourrait pour qu’eux puissent vivre. Alors qu'est-ce qu'on fait ici et eux là-bas ? »
Je me tourne pour lui faire face, lui et le reproche qui pulse dans sa voix.
« Vous lui aviez dit que l'Alliance, elle n'avait aucune chance face à la puissance légendaire de l'armée zandalari aux côtés la Horde, pas sur le territoire de leurs ancêtres. Il vous a fait confiance et…
- Pas de "il" quand on assume son état. Parle comme un haute-caste, avec dignité et responsabilité. Tu n'es plus un enfant du bas de la pyramide. Tu viens me voir pour lutter avec ta langue. T'es en train de faire quoi, te battre pour la gloire de ta tribu et la survie de ta famille ou contre ce que tu projettes sur moi ? Répond, tu te bats pour ou contre ? »
Le jeunot serre les lèvres pour toute réplique.
« Alors je ne veux rien entendre de toi. Moi je me prépare à lutter pour protéger notre foyer pendant que d'autres meurent plus loin pour défendre la cité. Je n'ai pas le temps pour tes propres combats. Retourne sur ta bête et affrontes-y ta peur. Pas contre toi-même mais pour toi-même. Grandis-toi. »
Il obéit enfin et je le suis, parlant assez fort pour que le reste de ma Couvée l'entende. Je m'adresse à lui autant qu'à eux.
« Tu es un chevaucheur ! La terreur, tu voles avec elle tous les jours. Tu la déverses dans le rang de tes ennemis et ri au cœur de leurs cris d'agonie. Pas contre l'Alliance mais pour Zandalar ! Ais confiance en la force ancestrale de notre armée. En moi comme en toi car tu en fais partie à présent. Ils n'ont aucune chance et bientôt nous leur feront voir le masque ricanant de Bwonsamdi. »

Tous raffermissent leur prise sur leurs rênes. Les oreilles droites de Trik'we pointent notre cible. Une âme qui doute dans un corps déterminé. Je m’avance pour l’aider à enfoncer son pied dans son étrillé. Ma main se referme sur son mollet et je le regarde par-delà le blanc de ses yeux pour atteindre son esprit.

« Ne meurs pas, d’accord ? »

J’ai dû lui lancer un sortilège à cet instant. Il fait parti de ceux qui sont rentrés. Il y a une pitié qui me rebute dans le timbre des féticheurs.

« Il aurait mieux valu qu’il meurt. »
Pando
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