Flammes mortelles
La vieille trollesse se prosterna une nouvelle fois au cours de sa prière, murmurant avec ferveur des mantras destinés à apaiser les esprits des défunts et à les guider vers leur loa créateur pour y rejoindre leurs ancêtres.
Le feu meurtrier initié par Sala'jin et nourrit par la naphte gobeline avait consumé la cité maudite, ne laissant que cendres des anciens palmiers, mousses et fougères qui avaient envahi les lieux et teignant ses murs de suie noire. Des trolls morts-vivants errant dans ces ruines, il ne restait que des amas calcinés.
Peu de temps avant qu'un groupe de trolls alertés par l'incendie ne les découvrent, Sala et Jil avaient abattu le maléficieur responsable de la mauvaise magie liant les zombis. Le dernier regard de ce troll, accourant pour empêcher les flammes de dévorer les créatures mortes-vivantes, avait trahi une panique et un désespoir sans borne.
Durant son infiltration dans la cité pour disperser la vase noire inflammable, Sala avait eu le temps de découvrir les gravures anciennes des murs effrités relatant des récits ou de l'histoire de trolls et de Strangleronce d'une époque bien avant sa naissance. Cette cité était sans doute un centre culturel ou religieux important dans une ère reculée grandiose.
Puis il avait trouvé des vélins zandalis plus contemporains, narrant les évènements apparemment survenus au cours de la dernière décennie, peut-être après les départs massifs pour la Pandarie, bien qu'aucun ne soit daté.
- Citation :
- "... ville décimée, gloire oubliée... temples abandonnés des fidèles, la jeune génération a déserté... seuls restons le rempart entre les intrusions des étrangers et les...
...la jungle n'est plus un refuge, c'est notre tombeau... tous les artefacts, les trésors, les autels, les idoles des loas, ils n'auront plus de protection une fois que nous serons trépassés...
..avons trouvé un moyen... sommes prêts à l'ultime sacrifice. Même après notre trépas, nos âmes seront liées au sanctuaire, et pour toujours nous le protégerons. Tous les parles-loas et les protecteurs se sont réunis, nous ne faillerons pas à notre devoir de gardiens des lieux et objets sacrés du culte des loas.
... cette nuit, et pour toutes les nuits à venir... nous serons les gardiens... immortels... j'ai confié à mon apprenti Mok'ta la lourde charge d'exécuter le rituel, et de s'assurer qu'il fonctionne... sa dévotion est grande... continuera lui aussi à veiller sur les lieux à nos côtés... jusqu'à sa propre fin..."
Une pluie torrentielle, appelée par les danses et les chants, s'était abattue sur la jungle et avait arrêté l'incendie, après une nuit de brasier, tandis que le jour pointait. Mais l'odeur âcre de la fumée resterait imprégnée dans les alentours pour plusieurs lunes.
Dès le lendemain, Celle-qui-voit s'attela à nettoyer et apprêter le corps de Mok'ta pour son ultime repos suivant les usages. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu à pratiquer elle-même l'embaumement. Cela remontait sans doute au temps où elle était apprentie puis prêtresse au temple du loa oublié. Malgré le temps passé, elle se rappelait parfaitement les gestes et le procédé, mais se fit aider de la jeune Azsaji. Des huiles parfumées furent appliquées, et le corps enveloppé d'un linceul, ne disposant pas du nécessaire traditionnel, avant d'être placé dans une fosse creusée non loin de la cité trolle.
Durant ce temps, Celle-qui-voit chargea Sala et Jil de récupérer tous les objets précieux du sanctuaire, idoles et artefacts de métal ou d'os ayant survécu aux flammes, ainsi que les restes des dévots s'étant sacrifiés pour leur devoir. Ils furent placés dans la cavité avec Mok'ta et des amulettes jujus, puis ensevelis de sable.
Le reste des rites mortuaires dura deux jours de plus, durant lesquels la grande prêtresse et sa jeune disciple se consacrèrent à des prières sacrées.
La vieille trollesse ne s'était pas attendue à ce que ces morts-vivants le fussent de leur propre volonté. Avait-il finalement été correct de les arracher de force à leur mission intemporelle ? Celle-qui-voit tentait de se convaincre que les recours à pareil stratagème de mauvais vaudou, même pour servir une bonne raison, n'était que le reflet de la folie et du désespoir et que cela constituait malgré tout une offense au loa oublié, leur Créateur.